L’autisme, qu’on qualifie encore largement de « trouble », aurait-il des avantages ? Loin de minimiser les souffrances des personnes autistes, les nouvelles approches de la recherche donnent des nuances à ce qui relève d’une différence plus qu’une déficience. Après tout, si cette différence neurologique s’est propagée chez les humains, c’est peut-être qu’elle a eu des avantages du point de vue de l’évolution ? Quels seraient-ils et s’agit-il de « super-pouvoirs » pour les autistes ? On fait un petit tour de ce vaste sujet.
On ne le répétera jamais assez, l’autisme – ou plus largement, la neuroatypie – n’est pas une maladie mentale. Malgré l’approche courante qui consiste à vouloir « diminuer » les symptômes d’autisme, voire à les supprimer, il s’agit d’une différence neurologique.
L’autisme existe en soi au-delà du système de santé d’une personne. C’est-à-dire qu’un autiste qui ne se balance pas, qui n’a pas de comportements stéréotypés, est quand même autiste. Et que la dépression, l’anxiété, les troubles associés qu’il peut ressentir ne sont que cela : des troubles associés. Ils ne sont pas constitutifs de ses fonctionnements internes.
Pourquoi est-ce important ? Parce que de plus en plus d’études tendent à confirmer que l’autisme est une des variantes évolutives de l’être humain, et pas une déficience. Les autistes auraient alors évolué avec des compétences spécialisées, qui si elles diffèrent de la « norme », ont été utiles aux premiers hommes pour leur survie.
C’est en tout cas ce qu’affirme une toute récente étude de 2022, qui évoque les avantages évolutifs de la dyslexie. Elle émet également l’hypothèse que l’autisme a eu son rôle à jouer :
« Beaucoup d’individus situés sur le spectre de l’autisme peuvent être considérés comme ayant des capacités de recherches locales et poussées supérieures, ce qui reflète un écart de processus plutôt qu’un déficit. »
Une interprétation partagée par l’archéologue Penny Spikins, qui s’est spécialisée notamment dans l’autisme. Elle rapportait la même idée en 2016 :
« Nous soutenons que la diversité, la variété entre les personnes, a été probablement plus significative pour le succès de l’évolution humaine que les caractéristiques d’une personne. »
Qu’est-ce que cela veut dire ? Que les décalages des personnes autistes avec la manière de penser dominante, aussi douloureux soient-ils, ne sont pas des pathologies. Leur souffrance vient de l’écart entre leurs besoins et une société qui a été axée sur un groupe social dominant, qui ne fonctionne pas sur le même mode.
Mais au-delà de créer de la souffrance, cette « hyperspécialisation » peut aussi apporter son lot de compétences, comme on va le voir.
Quels seraient alors les « super-pouvoirs » des autistes ? Quelles compétences partageons-nous souvent ?
La première chose que l’on peut citer, c’est une attention au détail souvent qualifiée d’exceptionnelle. Parfois, on reproche aux personnes autistes de se perdre dans les détails, de « trop se prendre la tête ». De couper les cheveux en quatre, en huit, en douze !
Mais ce qui ressort de ces comportements, c’est une capacité hors-norme à se concentrer sur un sujet, et à l’explorer dans sa totalité. Les personnes autistes aiment être exhaustives dans leurs recherches et processus. C’est-à-dire que nous ne faisons en général pas les choses à moitié, et que nous menons à bien nos tâches jusqu’au bout.
Ce n’est bien sûr pas une règle gravée dans le marbre, mais il suffit de voir une personne autiste absorbée par une de ses passions pour s’en rendre compte : nous avons des capacités à minutieusement catégoriser, accumuler et organiser des informations (ou des objets). Les « collections » si typiques des personnes autistes peuvent ainsi être des collections de savoirs.
Les personnes autistes ont souvent besoin de comprendre comment tout fonctionne, et tous les tenants et aboutissants d’une situation. Si elles réalisent qu’on leur a menti, ou qu’on leur a volontairement caché des aspects d’une situation, elles peuvent s’effondrer de tristesse ou de rage.
Pourquoi ? Parce que pour nous, la véracité est la norme, et il nous paraît parfois absurde de voir d’autres personnes avoir des petits arrangements avec la vérité. Pour les autistes, il n’y a en effet pas de zone grise : il y a la vérité, et il y a le reste.
Il en ressort souvent une grande rigueur. L’on dira la vérité, quitte à ce que cela nous cause du tort. Ou l’on se prendra un peu trop la tête… Si la boulangère nous rend dix centimes de trop, on sera parfois prêt à refaire le trajet en sens inverse pour corriger cette erreur – c’est plus fort que nous !
L’autre super-pouvoir qui est lié, c’est souvent un grand sens de la justice. On le sait, les clichés ont la vie dure, et les autistes sont souvent accusés de manquer d’empathie. Dans les faits, c’est bien sûr plus complexe que cela, et les personnes présentant un TSA sont en réalité souvent très sensibles à la justice d’une situation.
C’est-à-dire qu’elles pourront s’animer quand elles estiment qu’une personne est lésée, et voir des personnes mises à l’écart du groupe pourrait leur causer une grande souffrance. Il n’est donc pas rare de voir des personnes autistes adopter de grandes causes sociales. Leurs amis leur disent par ailleurs souvent : leur intégrité est appréciée, même si elle ne rend pas toujours les choses faciles.
L’autisme serait-il la réponse au marketing ? Blague à part, il s’agit d’un des avantages de ce fonctionnement de pensée différent. Souvent, nous sommes en effet imperméables à la pensée de groupe… Et cela nous cause des soucis ! On n’arrivera ainsi pas à comprendre instinctivement ce qui se joue dans les groupes sociaux, et les notions de prestige social ou de « cool » nous apparaîtront comme un peu étrangères.
Mais l’avantage, c’est que cela nous protège de certaines choses. Un autiste cède assez peu facilement aux sirènes du marketing, qui ne sont pas vraiment calibrées pour lui. De la même manière, s’il a décidé qu’une cause était juste, et si son opinion est faite, il ne cédera pas face à la pression du groupe. Cela est donc particulièrement utile dans un contexte militant.
Non, l’autisme n’est pas un profil neurologique facile à vivre tous les jours, et nos difficultés sont bien réelles. Pour autant, les caractéristiques souvent présentes chez les personnes autistes peuvent parfois être de vrais atouts.
Pour accepter sa différence, il peut donc être bon de considérer certains des aspects de notre neuroatypie d’un point de vue positif. Nos capacités de concentration, notre attention soutenue et notre grande rigueur intellectuelle sont en effet des atouts… Même s’ils ne sont pas toujours compris !
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