Amoureuse et HPI

Les femmes à haut potentiel intellectuel (HPI), parfois encore appelées surdouées, ont-elles plus de difficultés dans leurs relations amoureuses ? Perçues comme trop exigeantes, trop indépendantes, ou tout simplement trop sensibles, elles font souvent part elles-mêmes de leurs difficultés. On se penche sur le sujet dans cet article, afin d’essayer de comprendre pourquoi il peut être si compliqué d’être amoureuse et HPI.

Les hommes seraient-ils moins intéressés par les femmes HPI ?

« Les hommes sont moins intéressés par les femmes intelligentes. » C’est une idée qui circule largement, appuyée par des études parfois légères en méthodologie, mais fortes en sensationnalisme. Cette idée est-elle fondée ? Plusieurs articles et recherches ont évoqué le sujet, et elles tendent à confirmer – partiellement – cette idée reçue. On rappellera cependant qu’on se place ici d’un point de vue « hétéronormé », mais que les femmes haut potentiel peuvent bien sûr avoir des partenaires féminins ou genrés différemment.

On peut citer deux études qui se sont penchées sur le sujet : l’une venue de Pologne, et basée sur des données étatsuniennes. L’autre venue des États-Unis. Cette dernière montrait que bien que les hommes affirment avoir une attirance plus forte pour les femmes intelligentes, ils s’en détachaient dans la réalité quand ils étaient confrontés à une personne réelle.

Dans l’autre étude, des données compilées montraient que les femmes intelligentes étaient perçues comme plus attirantes… Jusqu’à un certain point. L’intérêt des hommes observés tendait ainsi à diminuer à partir du moment où l’intelligence perçue des femmes dépassait la leur. C’est-à-dire que les femmes intelligentes étaient considérées comme attirantes, à condition qu’elles ne le soient pas plus que les hommes qu’elles rencontraient.

L’attraction étant par définition difficile à cerner, on prendra ces études avec quelques pincettes. Mais elles rejoignent en tout cas les retours anecdotiques de femmes HPI, qui rapportent souvent avoir l’impression d’« intimider les hommes » ou de devoir masquer leur intelligence lors de la prise de contact.

Hypersensibilité : le fardeau des femmes HPI en couple ?

Monique de Kermadec, psychologue et psychanalyste spécialisée dans le haut potentiel, a écrit Le surdoué et l’amour (2020). Dans un entretien auprès de Atypikoo, elle détaillait ce qui différencie selon elle les femmes des hommes « surdoués », comme elle les appelle.

Elle voit des différences au niveau de l’hypersensibilité, plus présente chez les femmes selon elle, ainsi que l’intensité avec laquelle elles vivent leurs relations. La psychanalyste indique aussi que « la séduction physique et la sexualité sont peut-être plus importantes pour les hommes surdoués que les femmes HPI ».

Se pose cependant la question des rôles genrés. Les hommes HPI apparaissent-ils parfois comme moins hypersensibles parce qu’ils le sont réellement, ou parce qu’il existe encore une pression sociétale forte pour peu montrer ses émotions ? De la même manière, les femmes haut potentiel sont-elles réellement moins intéressées par la sexualité ? Ou ont-elles simplement intégré les codes sociaux qui rabaissent les femmes montrant leur intérêt pour les relations sexuelles ?

Quelle que soit la réponse, les effets restent cependant les mêmes : les femmes HPI sont souvent hypersensibles, ce qui peut poser des difficultés dans le couple. Elles peuvent être très vulnérables au rejet, au point d’éviter les prises de risque et la séduction. Une fois en couple, elles sont aussi particulièrement sensibles aux critiques, changements d’humeur ou tout simplement aux sensations physiques créées par leur conjoint*.

Tout cela crée un cocktail émotionnel qui peut vite s’avérer explosif. Une femme haut potentiel pourra alors masquer ses émotions et se culpabiliser de les ressentir, alors que son ou sa conjointe aura l’impression de marcher sur des œufs. Cela favorisera donc les tensions.

Perfectionnisme et besoin de stimulation : des exigences élevées

Les personnes haut potentiel sont souvent exigeantes, voire perfectionnistes. Elles ont besoin de cohérence, de nourriture intellectuelle, et de stimulation. Et chez les femmes HPI, la tendance serait encore plus marquée au sein du couple ou lors de rencontres amoureuses.

Selon Mme de Kermadec, les femmes haut potentiel auraient tendance à attendre de leur conjoint ou conjointe qu’ils soient particulièrement stimulants intellectuellement. Il s’agirait d’un critère de « sélection » clé lors de la recherche amoureuse. Cela réduit le champ pour ces femmes en recherche de relation, mais cela peut aussi potentiellement faire peser une certaine pression sur l’objet de leur affection, qui pourrait ne pas sentir à la hauteur.

De son expérience en cabinet, la psychanalyste note aussi que les femmes HPI ont une recherche de relation absolue, et emploient régulièrement le terme de « meilleur ami » pour désigner leur personne idéale. Il s’agirait, selon elle, d’une quête de valeurs communes, mais aussi d’intensité. Les femmes surdouées seraient attirées par l’intensité de la passion d’une personne pour son domaine de prédilection… Que cela soit la physique quantique ou bien le jardinage.

Cette quête d’absolu, avec une personne qui remplirait une gamme de besoins très large, peut compliquer les choses. Personne n’est parfait, et réduire un individu à une liste de caractéristiques n’est pas forcément une stratégie gagnante en amour. Le perfectionnisme des femmes HPI peut donc leur jouer des tours.

Des « faux selfs » particulièrement puissants ?

Pour rappel, le faux self est un masque social auquel ont recours les personnes HPI. Il leur permet d’apparaître comme plus normées, plus « acceptables », en cachant certaines parties de leur caractère ou de leurs capacités. Cette « seconde » personnalité évolue dans un grand contrôle et s’adapte à son environnement : c’est bien sûr un moyen de se protéger du rejet.

Le problème, c’est que les personnes à haut potentiel peuvent ne pas se rendre compte qu’elles y ont recours… Voire ne plus parvenir à savoir où s’arrête leur faux self et où commence leur « vraie » identité.

Chez les femmes HPI, le problème semble plus présent, pour des raisons largement sociétales. Elles sont en effet sociabilisées très jeunes à plus s’exprimer que les petits garçons, et à masquer certaines émotions vues comme négatives, comme la colère. Les compétences verbales des petites filles sont également en général plus élevées, ce qui leur donne plus d’aisance – tout du moins en apparence.

Le résultat, c’est que les femmes HPI ont souvent des faux selfs particulièrement solides. Or on sait bien que pour trouver un partenaire amoureux qui nous convienne fondamentalement, on ne peut pas se cacher.

C’est aussi le cas pour les autres relations. Une étude de Diane Tickton Schuster, baptisée Work, Relationships, and Balance in the Lives of Gifted Women, datée de 1990, montrait déjà que les femmes surdouées étaient globalement confiantes dans leurs capacités et leurs travaux académiques, mais qu’elles rapportaient fréquemment un embarras quand il s’agissait de relations sociables. Une grande part d’entre elles rapportaient qu’elles avaient l’impression de devoir « cacher » leur intelligence pour attirer l’affection ou l’amour de leurs pairs.

Mais si l’on se lance dans une recherche amoureuse ou dans un couple en ne montrant que certaines parties acceptables de nous, on court le risque de ne pas être vraiment satisfaites. La personne avec qui l’on est en couple pourra également avoir un mouvement de recul bien compréhensible aux moments où le masque tombe et où il semble apercevoir une autre personne.

Cela rejoint donc une problématique bien plus large liée au haut potentiel intellectuel. Mais c’est particulièrement visible dans un contexte de relations amoureuses, où les émotions sont d’autant plus fortes.

Carrière et famille traditionnelle : faut-il encore faire un choix ?

Les femmes HPI pourraient aussi avoir le sentiment qu’elles doivent faire un choix entre vie de famille « classique » et leurs ambitions professionnelles et/ou intellectuelles. En effet, bien que les choses aient progressé, dans les couples hétérosexuels les femmes assurent encore actuellement une part plus importante des tâches ménagères ou liées à leurs enfants.

Les études sont extrêmement nombreuses sur le sujet. L’une des plus récentes montrait ainsi que lors du confinement lié au Covid-19, 91 % des mères passaient plus de 4h par jour à s’occuper des enfants de moins de 3 ans… Contre 49 % pour les hommes qui étaient pourtant présents sous le même toit.

Le résultat de cette tendance, c’est que les femmes HPI peuvent avoir l’impression de devoir faire un choix entre être une bonne mère/compagne, ou poursuivre leurs propres ambitions. Cela n’a rien de nouveau. En 1977, une étude baptisée Career and Lifestyle Determinants of Gifted Women, indiquait déjà que les femmes « surdouées » rencontraient des difficultés pour articuler leurs envies académiques avec la tenue de leur vie de famille.

À cela s’ajoute une charge mentale conséquente, source d’une grande fatigue. Les femmes HPI ont souvent des capacités plus élevées en termes de mémoire de travail – c’est-à-dire qu’elles peuvent garder en tête une ribambelle d’informations liées au quotidien. Par exemple la taille des chaussures du plus petit, la date à laquelle le plus grand a fait ses derniers vaccins, ce qu’il reste dans le frigo pour préparer le repas du soir, le choix de la carte à envoyer aux grands-parents, et le nombre de slips propres qu’il reste dans le tiroir.

Les personnes haut potentiel ayant souvent bien du mal à contrôler leurs pensées qui s’étendent dans tous les sens, cela peut causer une fatigue très importante pour les femmes HPI qui utilisent ces capacités pour s’assurer de la bonne tenue de leur foyer. Une fatigue qui devient exacerbée si elles ne peuvent pas assez s’appuyer sur leur conjoint.

Tomber amoureuse ou garder son indépendance ?

On peut aussi évoquer un autre facteur qui complexifie les relations amoureuses des femmes HPI. Tout comme leurs pairs masculins, elles ont en général besoin d’une grande indépendance. C’est-à-dire une capacité à prendre leurs propres décisions, à orienter leurs vies comme bon leur semble, et à ne pas se sentir limitées par des circonstances… Ou des personnes.

Mais être en couple, c’est faire des concessions et communiquer pour un but commun, c’est-à-dire une relation harmonieuse et durable. Cet équilibre peut donc être particulièrement difficile à gérer pour des femmes à haut potentiel. Garder son indépendance, c’est parfois susciter des accusations d’égoïsme… Mais c’est surtout courir le risque d’un manque d’intimité dans le couple. À l’inverse, si les femmes concernées se « forcent » à rentrer dans un moule, elles courent le risque d’exploser quelques mois ou années plus tard, lassées de se sentir bridées.

Cela s’inscrit aussi dans une tendance plus large : les femmes (et les hommes) HPI n’hésitent souvent pas à remettre en question des modèles sociétaux. Ils peuvent se détourner de l’institution du mariage, ne pas voir l’intérêt de vivre à deux, ou de faire des enfants. Ils peuvent également choisir des modèles alternatifs, comme les relations libres, le polyamour, ou d’autres types de relations moins traditionnelles. Des choix qui réduisent fatalement le champ des recherches, ces modèles étant encore peu courants.

Les femmes à haut potentiel intellectuel tendent donc à rencontrer des difficultés spécifiques dans le cadre des relations amoureuses. Elles sont à la fois dues à leur neuroatypie, mais aussi aux aspects sociaux qui pèsent parfois plus lourdement sur elles que sur leurs pairs masculins.

Le choix de partenaires HPI peut limiter certains problèmes cités, mais il ne s’agit bien sûr pas d’une panacée, chaque personne étant différente, avec ses propres limitations et ses propres rigidités.

* Malgré le soutien d’Atypikoo pour l’écriture inclusive, elle n’est pas utilisée dans l’article pour faciliter la lecture

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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