Monique de Kermadec, psychologue clinicienne et psychanalyste, est spécialiste de la précocité et de la réussite. Elle a publié de nombreux livres sur le sujet de la douance, notamment, « L’Adulte surdoué : apprendre à faire simple quand on est compliqué » en 2011 et « La Femme surdouée : double différence, double défi » en 2019. Son dernier livre « Le surdoué et l’amour » vient d’être publié.
Dans ce livre, Monique de Kermadec identifie les particularités des adultes surdoués dans le prisme des relations amoureuses. Elle constate notamment que « la difficulté pour les surdoués est de trouver quelqu’un qui soit à la fois séduisant et intellectuellement stimulant. » Nous lui avons demandé des conseils pour dépasser une partie des problèmes rencontrés par les surdoués en amour.
Monique de Kermadec : Tout homme est confronté à l’image du surhomme mais par sa différence le surdoué doit dès l’enfance chercher sa place. Garçon, il perçoit qu’il sort de la norme si les autres ne le lui ont pas déjà fait sentir. S’il tombe dès l’adolescence dans le piège de vouloir correspondre au “modèle masculin”, il s’engage alors dans un long parcours de souffrance car sa seule option est de se construire un faux-self qui ne lui permettra pas d’entretenir des relations satisfaisantes.
Apprendre à se connaître sera l’étape fondamentale, pour le surdoué, qui lui permettra de percevoir ses richesses, d’être moins dépendant du regard de l’autre, et d’aller plus naturellement vers le/la partenaire qui le comprendra et accueillera positivement qui il est.
Monique de Kermadec : Le faux-self est une personnalité adoptée pour correspondre à ce que nous pensons que l’autre attend de nous. Ponctuel et circonstanciel celui-ci n’aura pas un impact négatif sur nous. Prenant le dessus dans toutes nos relations et nos relation intimes celui-ci aura par contre des conséquences négatives. Chercher à correspondre à l’homme idéal ou à la femme idéale portera, sans le moindre doute, préjudice à la relation à long terme. Plus le faux-self s’installe, plus on se sent seul. Si les femmes y ont plus souvent recours, cette crainte de ne pas pouvoir être aimé pour soi-même n’est pas uniquement féminine. Consolider une image positive de soi-même devient alors essentiel.
Monique de Kermadec : Tomber amoureux et aimer sont souvent confondus. Les deux ne recouvrent pas le même sentiment, la même nature d’émotion.
Tomber amoureux est une première étape qui mêle attirance et impression de reconnaissance chez l’autre des qualités espérées. C’est un état que l’on peut qualifier de subjectif.
Une fois que l’ivresse de l’état amoureux s’estompe, les yeux s’ouvrent.
Aimer est une action objective qui implique un partage, un échange avec un/une partenaire. Aimer est une action continue et constructive quand tout se passe bien et destructive si l’un des partenaires est défaillant.
La qualité d’un couple tient essentiellement à la volonté de vouloir construire une relation plus solide, de la projeter dans l’avenir.
Monique de Kermadec : Un haut potentiel peut tout à fait être heureux en couple avec un non surdoué. Le haut potentiel peut prévenir les malentendus en prenant soin de se faire connaître par l’autre. En lui donnant en quelque sorte son mode d’emploi. Conscient que son intensité, sa complexité et son urgence à agir peuvent se révéler éprouvantes pour le non surdoué, il importe que ce dernier lui explique sa différence. Il sera tout autant important que le surdoué n’oublie jamais que l’autre est différent.
La relation du surdoué et du non surdoué n’est pas vouée à l’échec et de nombreuses réussites sont perceptibles au quotidien.
Monique de Kermadec : La rupture est un point crucial et décisif dans la vie sentimentale de tout un chacun. Que l’on soit “bourreau” ou “victime” le passage est douloureux. Tout va dépendre de la manière dont s’est passée la rupture; les surdoués ne font pas exception.
Quand les surdoués se trouvent dans cette position, je remarque qu’ils parviennent plus facilement à pardonner que la moyenne des gens. Envisager la situation sous différents angles leur permet de la dépasser plus aisément. Leur pensée dite en arborescence leur semble d’un grand secours même si un temps de deuil leur est aussi nécessaire.
“Victimes” ou “ bourreaux” tous minimisent les conséquences du point final d’une relation. Je ferais une exception pour le “ghosting” comme vous pourrez aisément l’imaginer qui plonge le surdoué dans une incompréhension totale.
Un conseil: si nous voulons tirer parti d’une relation il faut soigner la fin.
La rupture répond à un processus d’apprentissage qui peut nous aider à grandir. Pensez à donner à l’autre un maximum d’éléments qui permettront une compréhension qui permettra de cicatriser.
Monique de Kermadec : Le surdoué est une proie attirante pour le pervers narcissique. Son besoin d’être aimé et d’aimer est particulièrement fort surtout s’il a connu le rejet du groupe dans l’enfance. Le sentiment d’être enfin compris va servir à établir le lien, un lien positif en apparence dans les premiers temps, un lien infernal par la suite.
Flatté, se croyant enfin reconnu et accepté, la relation toxique offerte par le pervers narcissique ne sera pas identifiée dans les premiers temps. C’est comme si son intelligence ne lui était plus d’aucun secours.
L’espoir de changer l’autre grâce à l’amour qu’on lui porte mettra très longtemps à s’estomper.
Tout tient au déséquilibre dans lequel le pervers narcissique cherche à entraîner sa proie en lui faisant croire qu’il la comprend mieux que quiconque, mieux qu’elle-même, pour mieux la renvoyer à son sentiment d’incompréhension générale.
Monique de Kermadec : Il n’existe hélas aucune recette miracle ou universelle. La personnalité de chacun joue sa part dans les échanges, les problèmes et les solutions . Certains conseils peuvent par contre être proposés. Parmi ceux-ci on retiendra:
Connaissez-vous vous même. Si vous doutez de votre douance vous ne pouvez apprécier son impact.
Favorisez le dialogue. Écoutez l’autre, n’hésitez pas à vous mettre à sa place. N’oubliez pas que la parole n’est pas le seul moyen de communication.
Quand vous choisissez un/une partenaire, ne vous leurrez pas par crainte de la solitude. Quand vous rencontrez quelqu’un gardez en tête ce que vous attendez de votre couple.
N’attendez pas tout d’une seule personne et n’oubliez jamais de féliciter et de montrer votre gratitude.
Être surdoué n’empêche pas d’avoir accès au bonheur. On peut être femme surdouée et ne pas faire peur, on peut être un homme surdoué et être sensible. Si la différence déloge certains de leur zone de confort , cette même différence vous y avez droit, elle est source de richesses dont le monde a besoin.
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