Nous avons tous été confrontés à des relations qui ne nous convenaient pas. Nous avons pu qualifier ces relations de toxiques, de perverses, de dysfonctionnelles. Aujourd’hui, je vous propose de repérer les jeux relationnels à l’œuvre dans ces relations et les moyens d’en sortir.
En préambule, j’ai aussi envie de poser que la transformation de nos relations, en changeant de modalité, participe aussi à modifier la relation que nous avons à nous-même. Notre intériorité et notre vie extérieure sont souvent en miroir. Aussi, tout ce qui va suivre peut aussi être lu en observant, analysant les jeux relationnels à l’intérieur de nous.
Une relation saine est une relation :
Une relation mature est en correspondance avec la maturité des individus. Donc si les individus sont adultes, on peut s’attendre à ce que la relation soit mature.
Afin de sortir d’une relation toxique ou de transformer une relation vers un lien plus satisfaisant, il faut commencer par comprendre de quoi il s’agit.
La communication et la relation interpersonnelle sont des mondes riches et complexes. Ils peuvent être abordés de différentes façons.
Un premier écueil est d’évaluer des individus plutôt que des comportements ou des relations. Par exemple, il est plus juste de pointer un comportement ou des paroles manipulatrices plutôt que de parler de personne manipulatrice. Nous pouvons tous à un moment donné être maltraitant ou manipulateur dans une relation, sans que cela fasse de nous des individus malsains.
Quand on est confronté à des relations que l’on peut nommer de toxiques, mais aussi dans le cadre de simples difficultés relationnelles, il est souvent intéressant et enseignant de regarder ce qui compose la relation, la place de chacun, et les jeux relationnels qui se sont instaurés.
Observer ce qui se joue au sein de la relation mobilise notre intelligence relationnelle, interpersonnelle et peut être pertinent en vue de transformer nos relations.
Différents modèles proposent de voir en présence d’une relation la place que chacun s’attribue. Quel rôle jouons-nous dans nos relations ? Dans quelle position sommes-nous ? Quels acteurs sommes-nous ?
L’analyse transactionnelle -l’AT- postule que lors d’un échange avec quelqu’un, nous pouvons nous positionner dans différents rôles : soit dans un positionnement enfant -rebelle ou créatif-, parent -normatif ou bienveillant-, ou adulte.
Issu de l’AT, Stephen Karpman a élaboré le triangle dramatique bien connu, réunissant la victime, le bourreau, le sauveur. Les travaux sur les phénomènes de harcèlement et de bouc émissaire – le chercheur Eric Verdier- ajoutent au triangle la 4ème composante des témoins silencieux, qu’il nomme les normopathes.
Dans la dépendance affective, nous retrouvons les postures de dépendant et d’anti-dépendant. Alors que l’un est dans une posture de demande, d’attente, de sollicitation, l’autre est bien souvent dans une posture de froideur, d’indifférence, de distance relationnelle.
Nous retrouvons donc dans différents modèles ou grille de lecture la question de la place au sein de la relation. Nous voyons que souvent dans ces jeux relationnels sont mises en scène des polarités de comportements, comme les deux faces d’une même pièce, et très souvent une forme de relation de pouvoir.
Quel est le contenu des échanges, qu’est ce qui est échangé dans la relation ? On peut observer le langage verbal, mais aussi le langage non verbal (ton de la voix, grimaces associés, posture corporelle).
Si nous prenons la grille de lecture de l’analyse transactionnelle, et que nous examinons un échange entre deux personnes, nous pouvons alors repérer ce qui est mis en jeu dans la relation. Par exemple, les propos moralisateurs seront du côté du parent normatif, se baser sur les faits objectifs sera du côté de l’adulte, l’accueil et l’écoute empathique du côté du parent nourricier bienveillant. L’opposition, la contradiction peut être du côté de l’enfant rebelle, alors que le parent normatif voudra faire entendre raison… Regarder le contenu des échanges, c’est aussi observer la présence de propos discriminants, dévalorisants, les plaintes, les critiques etc…
Si nous regardons la communication verbale comme un système qui s’active entre deux individus singuliers à un moment particulier de leurs relations, nous pouvons constater des jeux relationnels qui se mettent en place. Le contenu des échanges est propre à chaque relation.
Je parle de jeu car quelque chose se met en place implicitement avec des règles et des codes sous- jacents. Le jeu relationnel va aussi se repérer car il peut avoir une certaine prédictibilité, les places de chacun sont souvent attribués et le contenu des échanges aussi.
Le positionnement de l’un va appeler l’autre dans le rôle correspondant, à moins qu’il ne déjoue le jeu.
Dans le monde des haut-potentiels, on retrouve souvent cela dans certains échanges entre atypiques : les haut-potentiels à versant intellectuel et émotionnel se confrontent souvent sur la base du monde cartésien, scientifique opposé au monde sensible et subtile.
Questionner notre façon de relationner est pertinente.
Nous pouvons regarder si nous jouons souvent - toujours ? - le même rôle : parents, victime, sauveur… si nous basculons d’un rôle à un autre dans une dyade, en polarité : coupable/victime, parents/enfants…si ce rôle se répète au sein d’une relation, est-ce aussi le cas dans les autres relations, dans tous les domaines de notre vie, ou dans un domaine précis, par exemple amoureux ou professionnel.
La diversité de nos fonctionnements est donc à regarder. Sommes-nous enfermés dans un fonctionnement qui se répète ou avons-nous une certaine souplesse et une certaine expérience de diversité relationnelle ?
Souvent, quand nous nous trouvons pris dans une relation toxique, il y’a quelque chose que nous répétons.
Prendre conscience de quel rôle nous jouons si nous sommes identifiés à un rôle est la première étape de la transformation.
Voici quelques pistes de réflexions :
Puisqu’il s’agit d’un système relationnel, il y’a co-dépendance des éléments entre eux, si le système existe dans une forme donnée.
Nous sommes acteurs de ce système, et quelque soit la place que nous avons, y compris victime, nous pouvons changer les choses.
Dans toute relation, il y a ce qui appartient à l’un, ce qui appartient à l’autre, ce qui est induit dans la relation. Quelque soit le jeu relationnel -donc pas uniquement dans le triangle de karpman !-, nous pouvons toujours questionner au sein de ce jeu, si nous nous positionnons en victime ou en coupable.
Se positionner en victime c’est donner le pouvoir à l’autre, c’est subir une situation et contacter notre impuissance à changer le système.
Au contraire, dans la posture du coupable, la culpabilité peut être niée : « je n’y suis pour rien ! ce n’est pas moi mais l’autre », on peut alors prendre une posture de victime bien qu’on soit coupable ! La culpabilité reconnue, assumée, au travers du contrôle donne du pouvoir, de la puissance mais elle peut être bien encombrante parfois…et l’auto-flagellation « c’est ma faute, ma très grande faute » est l’art de devenir victime de notre culpabilité.
C’est donc un système qui tourne bien sur lui-même, mélimélo coupable/victime dont on sort difficilement.
Transformer, sortir de cette boucle, c’est donc faire entrer un troisième terme, la voie du milieu en quelque sorte, que représente la responsabilité.
C’est reprendre notre part de responsabilité dans les échanges, être conscient de ce qu’on y met et laisser à l’autre sa part. Ne pas tout endosser ni tout décharger.
C’est retrouver notre puissance de changer les choses qui ne nous conviennent pas, nous redevenons acteur de nos relations, en sortant des dyades coupables/victimes, sauveurs / victimes, dominants/dominés…
C’est chercher la voie du milieu, sortir d’un système binaire pour intégrer la synthèse… Cela rejoint aussi ce que dit Jacques Salomé quand il propose que chacun s’occupe de son bout d’écharpe relationnelle.
Reprendre notre responsabilité, prendre notre part, ni plus ni moins, c’est aussi ce qui va parfois nous permettre de lâcher l’affaire. Nous pouvons induire un changement de notre côté qui sera saisi ou non par l’autre. Mais pour transformer véritablement la relation vers une relation saine, équilibrée, il faut être deux.
On peut changer le jeu en adoptant une nouvelle « stratégie » relationnelle. Ce n’est pas tout à fait mon option. La stratégie est l’application d’un outil, je parle en quelque sorte de recettes à appliquer. Il y a alors des risques de simplement changer de rôle, et d’être à nouveau enfermé dans un rôle qui nous conviendrait mieux, mais enfermé quand même…
Par exemple passer de victime à sauveur ou de victime à persécuteur. ou dans la relation amoureuse troquer la place du dépendant affectif contre celle de celui qui est distancié, créer de l’insécurité, qui pourra activer de la dépendance chez le partenaire.
Dans le registre des recettes, on peut aussi par exemple induire un comportement violent tout en appliquant par exemple les préceptes de la communication non violente -si on restreint la CNV à un outil de communication- c’est à dire : parler en son nom –utiliser le « je »-, énoncer les faits sans jugement, nommer ses ressentis, ses besoins et formuler une demande.
Cela revient alors à maitriser sa modalité de communication et mais on peut sans s’en rendre compte adopter un comportement passif -agressif, c’est à dire induire de la colère et parfois de la violence chez l’autre.
Apprendre à « bien communiquer », dans les règles de l’art de la communication, n’est donc pas suffisant, c’est un début seulement.
Pour modifier le jeu et transformer nos relations il faut donc agir différemment. Agir dans le sens de se comporter mais aussi de se positionner différemment. Il faut donc avoir une connaissance de soi, de ce que l’on vit, de nos attentes, de nos motivations.
Ne pas être dupe, ou le moins possible, de ce qui va se jouer dans cette relation. Savoir qu’à tout moment quelque chose peut nous échapper, y compris quelque chose qui vient de notre passé ou de notre inconscient. C’est aussi faire appel à nos qualités de cœur, notre empathie, notre bienveillance, notre humanité…
L’intelligence relationnelle, qui va donc demander de l’intelligence inter-personnelle et intra-personnelle, est aussi une adaptation dans le moment réel à ce qui se joue ici et maintenant.
Nos valeurs d’intégrité, de bienveillance, d’honnêteté, de justice vont colorer en toile de fond nos relations. Nous pouvons alors utiliser des modèles comme la CNV, la méthode espère, l’analyse transactionnelle, ou encore les 4 accords toltèques ou autres, et s‘appuyer sur eux pour établir des relations riches, vivantes, qui nous ressemblent et qui correspondent à nos aspirations.
S’adapter et créer les relations que nous souhaitons en faisant appel à notre savoir-faire et à notre savoir-être, se relier à notre créativité, à notre imagination. Retrouver notre mouvement intérieur, celui qui nous permet de nous adapter.
Vivre notre amour, affirmer nos valeurs, prendre soin d’un être aimé, ou vivre toute autre relation, en étant au plus juste pour soi-même et pour l’autre, nécessite cette souplesse, d’être pleinement relié à soi et à l’autre, pleinement conscient de l’instant présent. Et la relation peut alors devenir source de joie et d’accomplissement.
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