En France, on estime qu’une personne sur quatre souffrira de dépression à un moment de sa vie. Pourtant, ce trouble est encore mal identifié et mal connu. Les personnes qui en souffrent se sentent en effet souvent isolées, peu comprises. Mais surtout, elles ont besoin d’un accompagnement adapté. Comment alors repérer la dépression, la traiter, et parvenir à sortir de ce mal-être profond qui touche tant de personnes neuro-atypiques ?

Dépression

La dépression : le mal du siècle ?

Si la dépression semble parfois être le mal du siècle, ce n’est pas pour rien. L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) estime en effet que ce mal touche 15 à 20 % de la population à un moment de sa vie. D’autres chiffres font grimper la part jusqu’à 25 %, soit un quart des Français. 

La dépression ne joue pas que sur l’humeur, il s’agit d’un trouble existentiel : 10 à 20 % des patients traités pour dépression présentent en effet des risques suicidaires. On estime par ailleurs qu’au moins 5 % des personnes concernées se suicident, toujours selon l’INSERM.

La bonne nouvelle, c’est que les traitements sont très efficaces… À condition que le trouble dépressif soit décelé. La dépression est encore méconnue et mal diagnostiquée, en particulier chez les personnes qui présentent des symptômes externes peu visibles, ou qui compensent leur souffrance.

Car contrairement à ce que l’on peut penser, la dépression touche tout le monde, quel que soit l’âge, le genre, ou la classe socio-économique. C’est cependant particulièrement le cas pour les femmes, les personnes de 35 à 44 ans, ainsi que les chômeurs.

Ce trouble a par ailleurs des retentissements importants sur l’entourage d’une personne, ce qui contribue à son mal-être et à son sentiment de culpabilité. Il est donc particulièrement important de le déceler au plus tôt. D’autant plus que l’environnement peut aggraver une dépression ; être entouré de bienveillance est donc particulièrement clé quand l’on souffre de ce trouble psychologique.

Qu’est-ce qui caractérise la dépression ?

Pour définir la dépression, on peut se pencher sur la définition de la Classification internationale des maladies, ou CIM 11, qui définit les troubles dépressifs ainsi :

« Une humeur dépressive (par exemple, triste, irritable, vide) ou une perte de plaisir accompagnée d’autres symptômes cognitifs, comportementaux ou neurovégétatifs qui affectent de manière significative la capacité de fonctionnement du sujet. »

La dépression se caractérise selon la CIM 11 par les caractéristiques suivantes :

  • Humeur non joyeuse, avec des émotions désagréables (tristesse, irritabilité)
  • Diminution de l’intérêt pour les activités quotidiennes ou les loisirs (en particulier en journée)
  • Des sentiments de dévalorisation, de culpabilité, du désespoir, voire des pensées récurrentes liées à la mort et au suicide
  • Des troubles du sommeil, un changement d’appétit (moins d’appétit ou à l’inverse un appétit décuplé)
  • Une fatigue persistante et une sensation nette de ralentissement à la fois moteur et psychologique

Ce que l’on peut déjà observer, c’est que la dépression, ce n’est pas forcément ou uniquement des accès de tristesse, comme on peut encore trop souvent l’entendre. Les personnes dépressives peuvent plutôt rapporter une grande fatigue, même en ayant l’impression de dormir suffisamment, ainsi qu’une sensation d’être ralenties au quotidien. Elles évoquent aussi une perte d’intérêt pour les activités ou les personnes qui leur apportaient auparavant de la joie.

En plus de la tristesse et du désespoir, la dépression, c’est donc souvent une très grande apathie, qui peut faire culpabiliser encore plus les personnes concernées. On a l’impression de ne parvenir à ne rien faire, et l’on se dévalorise en conséquence. Par ailleurs, on est physiquement et mentalement moins vifs, et les tâches aisées, comme prendre une douche ou se faire à manger, peuvent sembler insurmontables.

Ce n’est donc ni de la paresse, ni un manque de motivation, ni une tristesse passagère. Cela veut aussi dire que culpabiliser les personnes concernées ne sert à rien, voire peut aggraver nettement la situation.

Il faut aussi préciser que l’anxiété et la dépression vont souvent main dans la main… Voire sont indissociables l’une de l’autre. La dépression peut nourrir l’anxiété, avec des inquiétudes très marquées pour l’avenir, ou une incapacité à se retrouver dans des situations nouvelles. Il n’est donc pas rare d’être dépressif, et de souffrir en parallèle de crises d’angoisses, de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), ou d’anxiété de séparation.

Qu’est-ce qui cause la dépression ?

Les épisodes dépressifs majeurs surviennent souvent suite à un événement de la vie qui nous a marqué (décès, perte d’emploi, rupture amoureuse ou amicale…). Souvent, la situation d’une personne se dégrade dans les mois qui suivent le déclencheur.

Il est possible d’avoir un « terreau » dépressif. Les personnes qui ont des parents dépressifs ont selon certaines études au moins deux fois plus de risques de connaître des dépressions au cours de leur vie. L’influence de certains facteurs précoces est également désormais bien établie. Les personnes qui ont connu des traumatismes dans leur enfance sont également plus couramment concernées.

La dépression est également une des comorbidités les plus courantes des troubles du neurodéveloppement/de la neuroatypie. C’est-à-dire un trouble qui existe en parallèle. C’est par exemple le cas chez les personnes présentant un haut potentiel intellectuel, selon une thèse de 2017 effectuée à l’Université Paris Descartes :

« Il y a significativement plus d’enfants avec un haut potentiel verbal présentant des troubles dépressifs que d’enfants ne présentant pas de haut potentiel verbal. »

Chez les enfants TDAH, cela serait aussi le cas, selon une étude de 2019, qui estimait que les enfants concernés par un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité « présentaient un risque élevé de dépression récurrente lorsqu’ils deviennent jeunes adultes ». Plus récemment, une étude de 2021 estimait que « des symptômes de TDAH plus élevés semblent indiquer une présentation clinique moins bonne en ce qui concerne la dépression. »

Pour l’autisme, la dépression est également très courante. Une méta-analyse de 2018 indique que 11 à 26 % des personnes avec un trouble du spectre autistique seraient concernés par des troubles dépressifs. Par ailleurs, le risque suicidaire est particulièrement élevé dans cette population. Selon les travaux de la docteure Sarah Cassidy, 3 adultes autistes sur 10 auraient tenté de mettre fin à leurs jours, et 6 sur 10 auraient envisagé le suicide.

Comment savoir si je suis concerné par la dépression ?

Comment alors savoir si je suis dépressif ? Voici quelques signes qui peuvent alerter :

  • J’ai l’impression d’être épuisé.e tout le temps, même quand j’ai dormi. La moindre tâche me fatigue à l’avance
  • Je me sens submergé.e par mon travail, mes relations, ma vie quotidienne. Je voudrais dormir pendant un mois et ne plus y penser
  • Les activités qui me plaisaient auparavant ne m’intéressent plus. Je me sens neutre, intéressé par rien
  • Je m’agace facilement : les gens m’insupportent, ils ne comprennent rien, ils ne sont pas bienveillants
  • Je mets beaucoup de temps à faire des tâches simples, j’ai du mal à me concentrer
  • Je suis convaincu que la situation ne va pas s’arranger, je n’ai pas d’espoir pour l’avenir
  • Je pense beaucoup à la mort, voire j’ai des idées suicidaires
  • J’ai l’impression que je ne sers à rien, que je ne fais du bien à personne
  • Je m’enferme chez moi, je ne veux voir personne et en même temps je me sens très seul.e
  • Je me sens nul.le. Je ne comprends pas comment on peut m’apprécier
  • Je cache mon état réel à mes proches. Je mens en disant que je vais bien, ou je m’agace quand ils sont trop inquiets pour moi

Plusieurs tests existent pour détecter un éventuel état dépressif. On peut citer le test MINI, qui est un bon outil. Le test de Beck va un peu plus dans le détail. Si l’on a des scores élevés à ces tests standardisés, il est conseillé de consulter un médecin et/ou un psychothérapeute.

Que faire en cas d’idées suicidaires ?

Les idées suicidaires sont le dernier signal d’alarme de notre cerveau. Il ne faut pas normaliser le fait de penser à la mort, même si on se dit qu’on ne passera jamais à l’acte, ou qu’on est en contrôle. La dépression change la manière dont nous pensons, et introduit une certaine apathie : elle peut nous faire croire que nos pensées sont « normales » ou courantes.

Si l’on pense régulièrement à la mort, ou si l’on a commencé à prévoir des moyens de mettre fin à ses jours, il faut donc en parler immédiatement à son entourage et à un professionnel de santé. Un entourage sain écoutera vos préoccupations et vous aidera à aller chercher de l’aide là où elle est nécessaire.

Les interlocuteurs sont nombreux en cas d’idées suicidaires : médecin traitant, psychologue ou psychiatre… Il existe aussi des numéros d’urgence, dont le 3114, qui est le numéro national de prévention du suicide. Vous pouvez l’appeler gratuitement, 24h/24 et 7 jours sur 7.

Si c’est un proche qui vous a fait part de ses idées suicidaires, et que vous êtes en mesure de l’écouter sans vous mettre en danger mentalement, il faudra l’entendre avec bienveillance et empathie. Il faudra ensuite le diriger vers des professionnels ou services dédiés, en lui rappelant qu’il n’est pas seul.

Comment soigner la dépression ?

Plusieurs études montrent que le moyen le plus efficace de soigner les dépression, surtout quand elles sont sévères, est une combinaison d’approches. Les médecins et psychothérapeutes conseillent en général un suivi psychologique, une approche médicamenteuse, ainsi que des changements environnementaux :

Les médicaments : un passage obligatoire ?

Si l’approche médicamenteuse n’est pas conseillée ou appropriée pour tout le monde, elle présente une efficacité désormais reconnue, avec de nombreuses options. Plusieurs types d’antidépresseurs peuvent en effet être prescrits, afin de limiter les effets secondaires et maintenir la qualité de vie du patient.

Pour une première dépression, on estime que deux tiers des patients présentent une rémission totale ou partielle des symptômes après 8 semaines de traitement. Il faut aussi noter que malgré leur nom, les antidépresseurs ne jouent pas uniquement sur les troubles dépressifs : ils sont aussi particulièrement efficaces sur l’anxiété généralisée, d’autant plus quand elle accompagne la dépression. Il est donc possible d’en tester plusieurs, accompagné par son médecin.

La psychothérapie avec différentes approches thérapeutiques

Les médicaments sont plus efficaces s’ils sont pris en parallèle d’une approche psychothérapeutique. Certains patients voient par ailleurs leurs symptômes s’alléger avec la seule consultation régulière d’un psychologue ou psychiatre.

Plusieurs approches peuvent être appropriées pour les personnes souffrant de dépression : thérapies comportementales et cognitives, EMDR, thérapies interpersonnelles… Il convient de trouver un thérapeute adapté à ses besoins, avec la prise en compte de tous les aspects de sa vie (enfance, relations actuelles, etc).

Adapter son environnement et sa vie

Souvent, une psychothérapie permet de comprendre quels aspects de sa vie ajuster afin d’accompagner la sortie de la dépression. Un épisode dépressif est en effet souvent un signal d’alarme, qui nous indique que quelque chose dans notre environnement ou nos relations nous cause du mal.

C’est d’autant plus le cas pour les personnes neuroatypiques, qui sont souvent concernées par de l’hypersensibilité à la fois sensorielle et émotionnelle, ainsi que par des problématiques liées au rejet. Prendre en compte son environnement familial, de travail, et tous les aspects de sa vie est donc crucial.

Comme pour d’autres troubles mentaux, les ajustements d’hygiène de vie peuvent également être de bons appuis pour mieux combattre la dépression. On incitera donc les patients à se mouvoir dans la mesure du possible, à adopter des habitudes de sommeil et d’alimentation plus adaptées à leur santé. Ces ajustements, en combinaison de psychothérapies et d’aides médicamenteuses, peuvent permettre à un patient de retrouver un sentiment de contrôle sur son quotidien.

En résumé : détecter et soigner une dépression

La dépression est un trouble très sérieux, qui arrive parfois discrètement. Il est donc important de bien comprendre comment il se manifeste pour comprendre si l’on est affecté. Dans tous les cas, il est toujours conseillé de consulter un professionnel si l’on a des doutes sur son état mental, ou si la situation d’un proche nous préoccupe. Les pensées morbides ou suicidaires doivent être prises en compte avec le plus grand sérieux, et nécessitent des interventions rapides pour éviter les drames.

Cela dit, la dépression n’est pas une fatalité, et les traitements sont très efficaces pour aider les personnes à s’en sortir. Il convient donc de les prendre en charge au plus vite, avec des approches adaptées et calibrées pour chaque personne.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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10 commentaires sur Dépression : l’identifier, la traiter, m’en sortir