En France, entre 5 et 10% des élèves seraient victimes de harcèlement pendant leur scolarité. Le harcèlement scolaire toucherait autant de filles que de garçons et serait plus fréquent en fin d’école primaire et au collège. Si les conséquences à court terme peuvent être graves et multiples, elles peuvent aussi être présentes à long terme et se prolonger à l’âge adulte.

Le harcèlement scolaire : une violence visible et invisible

Le harcèlement scolaire est une violence répétée, verbale, physique ou psychologique au sein d’un établissement scolaire avec intention de nuire ou de blesser. C’est un rapport de force et de domination répétitif entre un individu et un autre individu (ou un groupe) qui se caractérise sous différentes formes de violences :

  • Violences physiques : coups, agressions, racket
  • Violences verbales : intimidations, insultes, menaces, moqueries, humiliations, chantages
  • Violences invisibles qui agissent sur le lien social : mise à l’écart, exposition sur les réseaux sociaux, manipulations, rumeurs...

De façon générale, le harcèlement scolaire se fonde sur la stigmatisation de certaines caractéristiques physiques ou morales, telles que :

  • L’apparence physique (les cheveux, la peau, la taille, la forme du nez...)
  • Le sexe, l’identité de genre
  • Un trouble du développement ou de la communication, les situations de handicap
  • Des centres d’intérêts atypiques

La violence des mots, des gestes ou des attitudes est telle que l’enfant ou l’adolescent se trouve dans l’incapacité de se défendre tellement le harcèlement relève de l’incompréhension et de l’indicible. Le jeune est démuni face à ces situations qui l’entrainent progressivement dans un isolement social et une grande détresse psychologique.

Ces violences physiques et psychologiques engendrent des conséquences lourdes sur le jeune en pleine construction de son estime de lui-même et de ses schémas cognitifs. En effet, les sentiments et besoins de sécurité, de plaisir, de compétences, d’expression des émotions et de limites ne sont pas satisfaits alors qu’ils sont pourtant fondamentaux dans cette période de développement.

Quels impacts sur le bien-être et la santé mentale des harcelés à court terme et à long terme ?

Les impacts du harcèlement scolaire peuvent être graves et multiples pour l’enfant et l’adolescent à court terme : décrochage scolaire voire déscolarisation, désocialisation, anxiété, difficultés de concentration, dépression, somatisation (maux de tête, maux de ventre, maladies), scarifications, conduites suicidaires...

Outre les effets à court terme, le harcèlement peut entraîner des conséquences importantes sur le développement émotionnel, cognitif et social de l’individu à long terme et se prolonger à l’âge adulte. Ces événements douloureux peuvent être traumatiques et tenir un rôle essentiel dans le développement psycho-social de l’enfant futur adulte. Les impacts à l’âge adulte se retrouvent généralement sur la triade émotion – cognition - comportement :

  • Sur le plan émotionnel, le harcèlement génère souvent des émotions de honte, perte d’estime de soi et d’anxiété, même des années après les situations de violences scolaires : « Tellement j’ai honte de ce que j’ai vécu que je n’ose pas sortir de chez moi », « Je fais toujours passer les besoins des autres avant les miens, parce que je pense ne pas être importante », « J’ai tout le temps peur d’être ridicule en public tellement je me sens nul ». Les personnes harcelées peuvent également avoir un sentiment de vulnérabilité et une grande peur du rejet à l’âge adulte : « A l’époque du collège, je me suis tellement dit que « je n’étais pas une personne aimable que je le pense encore », « Aujourd’hui, je me sens incapable d’aller vers les autres, j’ai tellement peur de faire confiance et ensuite de perdre les gens autour de moi ».

Des dépressions, addictions, troubles anxieux, troubles du sommeil et conduites d’évitement sont également retrouvés à l’âge adulte chez les personnes harcelés à l’école primaire ou au collège.

  • Sur le plan cognitif, le harcèlement va avoir un impact sur les schémas précoces de pensées et les croyances. Un schéma précoce est une croyance ancrée de manière extrêmement profonde en nous au cours des évènements vécus dans notre enfance ou adolescence. Les événements douloureux peuvent donc entrainer des croyances négatives avec mauvaises interprétations de nous-même ou de ce qui nous entoure. Au lieu de grandir avec des croyances positives telles que « le monde est bienveillant, les gens sont bons et prêts à apporter leur aide », « il existe un lien entre ce qu’il arrive aux gens et ce qu’ils font » et « je suis respectable et honorable », l’enfant et l’adolescent se construit avec « je dois me méfier des gens, ils peuvent me faire du mal » « je n’ai pas confiance en moi ni en personne» « cela va mal se passer si je sors en ville », « je ne suis pas une personne aimable » « je mérite de souffrir». Toutes ces croyances négatives sont inadaptées et destructrices. Elles vont empêcher la résolution adaptative des situations rencontrées à l’âge adulte.
  • Sur le plan comportemental, les impacts cognitifs et émotionnels vont à leur tour avoir des impacts sur les actions de l’adulte et vont jouer un rôle sur la qualité des interactions sociales. Comme nous venons de le voir, les croyances vont modifier le traitement de l’information, le regard sur soi et sur le monde. Les personnes continuent de craindre d’être déçues ou malmenées par les autres à l’âge adulte et vont chercher à se protéger. La méfiance peut rester présente et entrainer une inhibition comportementale : « j’ai toujours peur que l’on me trahisse », « Je ne m’autorise pas à aller au restaurant, j’ai trop peur du regard des autres », « Au travail, j’ai refusé un poste de manager parce que j’avais trop peur d’être mauvais » « J’aimerai faire du théâtre mais j’ai tellement peur d’être jugée ».

L’effet boule de neige de cette triade infernale émotions-croyances-comportements forme un cercle vicieux. Ces trois aspects interagissent en permanence ensemble dans la perception négative de soi et des autres. Les impacts psychologiques maintiennent les souffrances de la victime bien au-delà de l’adolescence et sont souvent bien présents à l’âge adulte. Un accompagnement thérapeutique est souvent nécessaire pour se libérer des difficultés liées à ces violences afin de rompre avec cette spirale négative.

Comment sortir des conséquences du harcèlement ?

Le harcèlement scolaire est une violence qui entraîne des conséquences à court, moyen et long terme. Il vient modifier l’estime de soi de la personne victime de harcèlement, son regard sur elle-même et sur le monde qui l’entoure. Il peut engendrer des manifestations anxieuses et/ou des troubles dépressogènes et /ou des troubles du stress post-traumatiques qui perdurent à l’âge adulte avec des impacts sur le plan émotionnel, cognitif et social. Ces impacts sur la sphère psycho-sociale se remarquent chez les adultes harcelés lorsque sont abordées les difficultés à faire confiance, les difficultés à nouer des liens amicaux, à s’intégrer dans un groupe, une sensibilité accrue au regard des autres avec la peur du rejet, des conduites d’hypervigilance et un évitement de situations associées à l’appréhension constante d’un éventuel danger.

Mettre des mots sur les souffrances, reconnaitre et identifier les conséquences du harcèlement est primordial. Se sentir écouté et entendu est nécessaire pour surmonter les difficultés engendrées par ces expériences traumatiques. Avec les thérapies TCC, ACT ou EMDR, les personnes apprennent à se détacher de leurs croyances négatives et limitantes ainsi que de leurs propres schémas, pour tisser de nouvelles croyances positives en lien avec leurs ressources, valeurs et compétences. Se libérer de ces expériences douloureuses permet alors d’avancer plus sereinement et de manière plus équilibrée en lien avec des actions qui font sens.

Il est possible à tout moment de changer le regard que l’on porte sur soi et sur ses expériences douloureuses. Se faire aider et accompagner permet de briser plus vite et plus facilement le cercle vicieux dans lequel un individu peut être enfermé ! Chaque personne regorge de forces et de ressources souvent insoupçonnées par elle-même. Prévenir le harcèlement scolaire est une chose essentielle, travailler sur les conséquences du harcèlement est tout aussi nécessaire pour oser enfin être soi !

Publié par Virginie

Psychologue depuis plus de 20 ans et formée aux Thérapies Cognitives et Comportementales et à la Thérapie ACT (Thérapie d’Acceptation et d’Engagement). Virginie Colas anime régulièrement des ateliers sur la confiance en soi et la régulation émotionnelle à destination des enfants/ados et adultes. Elle est également auteure de « Je suis haut potentiel et je vais bien » sorti en 2020 chez Enrick.B Editions.
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6 commentaires sur Les conséquences du harcèlement scolaire à l’âge adulte