Le grand public ne fait pas souvent rimer autisme avec travail. Pourtant, bien que les relations des autistes à l’emploi soient souvent compliquées, il ne s’agit pas d’une fatalité. Beaucoup de personnes présentant un trouble du spectre autistique (TSA) travaillent, et elles s’épanouissent dans leur domaine. Comment alors s’assurer d’avoir un emploi qui nous convienne, et faire usage de ses compétences ? On essaie de déterminer les facteurs qui peuvent permettre de trouver (ou retrouver) le chemin de l’emploi.
Les autistes sont souvent familiers des difficultés au travail. Il faut rappeler que la plupart d’entre nous n’ont pas d’emploi : au Royaume-Uni, seuls 22 % des autistes travailleraient. Aux États-Unis, il est estimé que seulement 58 % des autistes ont travaillé à un moment de leur vie… Contre 90% pour la population générale. Il faut cependant mitiger ces statistiques : cela concerne bien sûr uniquement les autistes diagnostiqués, il y a donc fort à parier qu’un plus grand nombre d’entre nous existe de manière invisible dans la masse salariale globale.
Et pour ceux qui ont un emploi – salarié ou autre – les choses ne sont pas toujours simples. Le monde du travail est par nature basé sur les interactions sociales. Or, c’est un domaine qui met souvent les personnes TSA en difficulté. Pour les autistes, la réalisation que les amitiés et les relations comptent souvent autant que les compétences est souvent douloureuse. Pourquoi un collègue qui sait parler au patron aurait-il une promotion, alors que je fais un meilleur travail, mais que je ne sais pas me vendre ?
Par ailleurs, les difficultés sociales des autistes sont souvent facteur d’isolement. Si l’on n’aime pas faire la discussion à la machine à café, et si la question « alors qu’as-tu fait de ton week-end ? » nous ennuie profondément, on peut facilement être considéré comme ennuyeux – voire hostile – par ses collègues. Les entreprises sont des vases souvent un peu clos, propices à la propagation de rumeurs et à la création de factions : il y a donc aussi cet aspect complexe à naviguer.
S’ajoutent également souvent à cela des difficultés sensorielles. Les « open-space » bruyants, les lumières des néons, la radio en fond sonore ou l’odeur de parfum un peu trop forte de sa voisine de bureau… Tout cela se combine pour créer des environnements sensoriels compliqués pour les hypersensibles que nous sommes souvent. Et quand les collègues nous expliquent qu’on en fait trop, que le bruit de la ventilation n’est pas si insupportable que cela, cela rajoute de l’eau au moulin.
D’où une étape malheureusement courante chez les autistes qui travaillent ou ont travaillé : le burnout. Il n’est pas rare de voir des profils, qui, arrivés en milieu de vie professionnelle, cessent de travailler et ne parviennent plus à retrouver le chemin de l’emploi, trop épuisés par leur suradaptation.
Le burnout autistique, c’est somme toute similaire à un burnout « classique ». Mais il se distingue souvent par une perte de capacités qu’on avait jusque là. On ne parvient plus à faire les tâches professionnelles que l’on faisait de manière routinière. Et même lorsqu’on va mieux, on ne retrouve pas toujours ses compétences.
La phrase qui revient souvent, c’est « Je ne sais pas comment je faisais pour faire tout ça ! ». Si c’est votre cas, et que vous ne parvenez plus à travailler – ou tout du moins à occuper un emploi « classique » – c’est peut-être que vous avez fait un burnout.
Car on rappellera pour conclure cette partie que la définition courante du travail est restreinte. Dans les faits, beaucoup de personnes autistes travaillent : elles prennent part à des projets, des associations, créent des œuvres ou s’impliquent dans leurs intérêts spécifiques… Mais sans rémunération. Il y a donc une force de travail conséquente (et des spécialisations !) qui ne sont pas exploitées à cause d’une société trop restrictive et inadaptée à ces profils.
Y a-t-il alors des métiers spécifiquement adaptés aux personnes autistes ? Vous vous en doutez, la réponse est non : il y a autant d’autismes que d’autistes, et nous réduire à un profil est au mieux inutile, au pire discriminant. Pour autant, on peut cibler quelques besoins courants des personnes autistes pour déterminer comment jongler entre emploi et prise en compte de ses spécificités.
Au-delà de ses capacités et de la formation qu’on a suivie, il peut en effet être judicieux de partir de ses besoins. Par exemple, si l’on a passé sa vie professionnelle à accueillir du public et à faire des burnouts, peut-être que des emplois moins « sociaux » pourraient nous convenir. Et si l’on se sent bien chez soi, devant son PC, peut-être qu’un travail à distance pourra être plus adapté. Si l’on aime son métier, on peut aussi l’aménager pour moins « subir » ce qui nous incommode.
On rappellera aussi que choisir un métier centré sur un potentiel intérêt spécifique (c’est-à-dire une passion) peut également nous aider à nous sentir à l’aise. Souvent, les personnes autistes se transforment lorsqu’elles parlent de leur passion. Elles ont alors une fluidité sociale qu’elles n’ont pas nécessairement à d’autres moments. Se baser sur ses passions peut donc nous aider à nous sécuriser émotionnellement… Mais cela ne fait pas tout, comme on le verra plus bas.
On donne souvent aux autistes le conseil de travailler depuis chez soi. Les avantages sont en effet nombreux : on travaille à son rythme, sans surstimulation sensorielle. Par ailleurs, cela permet de facto de limiter les contacts sociaux et de communiquer par écrit, ce qui est souvent plus aisé pour les personnes autistes.
À l’inverse, certains autistes ayant des difficultés de « fonctions exécutives », c’est-à-dire d’organisation, pourraient être mis encore plus en difficulté par ce mode de travail. D’autres ont besoin d’être encadrés dans leurs tâches de manière plus poussée : travailler seul peut donc s’avérer insécurisant. On rappellera aussi que la communication écrite, si elle est plus simple pour les personnes autistes, ne permet pas toujours de bien cibler les émotions d’une personne. Elle peut donc être également sujette aux quiproquos.
Là aussi, il n’y a donc pas de réponse universelle. Si certains d’entre nous ne parviennent à travailler que depuis chez eux, d’autres nécessitent un cadre plus marqué, et une séparation nette entre leur emploi et leur lieu de vie.
Travailler depuis chez soi, c’est aussi souvent être à son compte. Cela peut être une étape difficile pour les personnes autistes. En grande partie parce que beaucoup d’entre nous sont en difficulté (ou connaissent une très grande anxiété) quand il s’agit de s’attaquer à des tâches administratives.
Déclarer sa situation professionnelle, faire ses comptes, être responsable d’une micro-entreprise… Tout cela peut s’avérer générateur de stress. Si cela est un obstacle, on conseillera donc de faire appel à des accompagnements (comptables, etc.) quand c’est possible pour fluidifier cette partie nécessaire du travail.
Beaucoup d’autistes aiment travailler seuls, et n’être responsables que de leurs tâches. Être à son compte est donc une solution qui peut être très avantageuse, à condition que cela ne génère pas de stress trop important.
Les personnes autistes se caractérisent souvent par une plus grande fatigabilité. Cela a trait à la manière dont nous traitons les informations. Nos sensations sont souvent plus fortes, nos émotions plus volatiles. Par ailleurs, nous utilisons nos fonctions cognitives plutôt que notre instinct pour comprendre les situations sociales : cela engendre donc une fatigue plus importante.
Travailler à mi-temps, ou à temps réduit, peut donc être une solution pour maintenir un emploi sans courir au burnout. Il peut être également possible de demander à travailler en majorité en télétravail, ou à réduire ses heures de présence. On rappellera que l’obtention d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé, ou RQTH, peut permettre de faire valoir ses droits de manière plus simple.
L’accès au travail est donc souvent plus difficile, mais il n’est cependant pas bloqué pour les personnes autistes. On l’a vu, l’enjeu est de trouver des ajustements et des méthodes centrés sur nos besoins, et de ne pas se conformer à ce que la société impose en termes de relation au travail.
Les exemples d’autistes qui ont « réussi » sont ainsi nombreux… Et pas nécessairement dans les métiers auxquels on s’attend :
Quel est le point commun de ces personnes autistes célèbres ? Elles se sont consacrées à leurs passions, et ont ciblé quelles forces tirer de leurs caractéristiques. Contrairement à ce que l’on peut encore souvent entendre, les caractéristiques courantes des personnes autistes ne sont en effet ni des défauts, ni des super-pouvoirs : elles existent simplement, et peuvent être exploitées, ou non !
On précise bien sûr que l’accès au travail pour les personnes autistes ne se résume pas à « suivre ses passions ». Mais l’intérêt profond pour un domaine peut rendre les désagréments du quotidien plus supportables.
À l’inverse, ça n’est pas parce qu’on est doué dans un domaine qu’il est nécessaire de l’exploiter. L’on voit souvent des profils autistiques qui ont développé une expertise, mais qui se heurtent à un monde du travail qui leur paraît hostile. Elles réalisent après plusieurs années que ce n’est pas parce qu’elles sont douées à quelque chose qu’elles sont forcées d’en faire un travail ! On en revient donc toujours à nos besoins, au-delà de nos compétences.
Il n’existe bien sûr pas d’emplois « tout faits » pour les personnes autistes. Mais on peut déterminer quelques écueils à éviter, notamment en termes de capacités d’adaptation sociale et de surstimulation sensorielle.
Pour déterminer quel métier peut donc nous convenir, on conseillera donc de suivre dans la mesure du possible des intérêts qu’on peut avoir… Mais pas uniquement. Il s’agit souvent d’un travail de fond qui nous permet de repenser notre rapport au travail, et aux injonctions de la société qui pèsent particulièrement lourd sur les profils atypiques. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, écouter ses besoins profonds est donc absolument crucial.
3 commentaires sur Quels sont les métiers adaptés aux personnes autistes ?