L’isolement social est malheureusement une réalité pour beaucoup de personnes autistes. Difficultés à créer du lien, anxiété sociale, repli sur soi… Tout cela est cependant loin d’être une fatalité, et l’on peut très bien être autiste avec une vie sociale épanouie. Zoom sur cette problématique, et sur les moyens de se faire des amis en tant que personne autiste.
Les autistes sont souvent décrits comme solitaires… Et pas forcément mécontents de l’être. L’image populaire est celle d’un autiste absorbé par ses passions, qui vit paisiblement dans son coin sans ressentir un réel besoin de connexion plus poussée. Ce cliché ne vient pas de nulle part : les personnes autistes ont en effet tendance à être plus isolées que la moyenne.
Mais il ne faut pas confondre le fait d’être à l’aise dans sa vie avec le fait d’être épanoui socialement. Certes, un autiste qui vivra « dans sa bulle » centrée autour de ses besoins pourra être tout à fait satisfait de sa routine, mais cela ne veut pas dire qu’il n’aspirera pas à plus de lien, que ce soit sur le plan amical ou amoureux.
C’est par ailleurs une idée qui a été confirmée par une étude de 2022. Cette dernière a analysé les recherches préexistantes sur le sujet, et sa conclusion était sans appel :
« La solitude et le désir de connexion sociale sont une expérience humaine partagée, qu’une personne soit autiste ou non. […] Les conséquences de la solitude sur les adultes autistes sont semblables à celles de la population non autiste. »
Pour résumer, la solitude nous cause à tous les mêmes souffrances, que l’on soit autiste ou neurotypique. Pourquoi les adultes TSA sont-ils alors si souvent isolés socialement ?
L’autisme est caractérisé dans les modèles diagnostics et les cabinets des psychiatres comme un trouble en grande majorité social. C’est la notion de « déficit » de communication et d’interaction sociale qui est souvent retenue. On note que les associations pour les droits des autistes militent cependant souvent pour que cela ne soit plus vu comme un déficit, mais une différence qui cause un décalage.
Le résultat est cependant le même : notre décalage avec la population générale, et les difficultés que nous rencontrons couramment avec l’implicite, ne nous facilitent pas la tâche en termes de liens sociaux.
Souvent, une personne autiste ne saura pas comment débuter une conversation ou maintenir le lien. Elle pourra détester les appels téléphoniques, et se sentir sous pression quand elle doit répondre à des messages. Toutes ces étapes, qui sont des marqueurs courants des relations humaines, l’empêchent donc parfois de créer et maintenir le lien.
À l’inverse, certaines personnes autistes n’arrivent pas à doser leurs attentions, et vont à l’extrême inverse. Elles enverront des messages trop nombreux, solliciteront constamment la personne avec qui elles veulent être amis, au point d’être jugées comme collantes, voire de mettre mal à l’aise leurs pairs.
En plus des moyens de maintenir le lien, les autistes peuvent avoir des difficultés pour les codes sociaux non verbaux et certaines tâches du quotidien. Une étape aussi simple que prendre le métro pour la première fois ou retrouver un ami peut donc être une série de petites épreuves :
« Si l’on m’a donné rendez-vous au bar, dois-je attendre devant ou rentrer ? Comment est-ce que je peux savoir si la personne est déjà à l’intérieur ? Est-ce que je lui propose de payer son verre ou pas ? Comment on se dit bonjour ? La bise, un serrage de main ? Si je lui demande, je ne vais pas paraître bizarre ? »
Ces interrogations et maladresses courantes peuvent se combiner pour créer une vraie phobie sociale chez les personnes autistes. D’autant plus si notre entourage nous les fait remarquer.
C’est en effet une des problématiques qui coexistent de manière très courante avec l’autisme. Contrairement à ce que l’on peut entendre parfois, l’anxiété sociale n’est pas en soi un « symptôme » d’autisme, mais bien un trouble mental qui se développe lorsqu’on passe sa vie à essayer de s’adapter à un monde qui ne fonctionne pas comme nous.
Comme on l’a vu dans notre article consacré au sujet, l’anxiété sociale se traduit souvent par des évitements. J’ai peur d’aller à cette soirée, donc je n’y vais pas. Je ne sais pas comment me comporter avec ce groupe social, donc j’arrête de répondre à leurs sollicitations. De fil en aiguille, l’on peut se retrouver très isolé… Et « rouillé » socialement. C’est donc un cercle vicieux dont il peut être difficile de sortir.
Dernier point à prendre en compte : les relations se créent souvent à partir de relations existantes. On devient ami avec une connaissance d’un de nos proches, on découvre des amitiés au travail, ou encore on intègre le groupe social de notre conjoint.e.
Pour des personnes qui n’ont pas d’emploi, ni de relation amoureuse, cela coupe donc tout un pan de la vie sociale qui pourrait leur permettre de rencontrer des personnes nouvelles. C’est souvent le cas des personnes autistes, et cela joue donc sur cette tendance. Mais cela n’est pas une fatalité, comme on va le voir.
Comment alors favoriser les rencontres en tant que personne autiste ? On va voir que prendre en compte ses spécificités permet de simplifier certaines étapes.
Si l’on est paralysé par l’anxiété sociale, et qu’on a beaucoup de mal à s’ouvrir aux autres, cela peut être difficile de faire le premier pas. Cette anxiété se traite de manière progressive.
C’est-à-dire que si rencontrer quelqu’un dans un bar vous pose des difficultés, peut-être qu’une soirée bruyante remplie d’inconnus n’est pas la meilleure première étape. Privilégiez si possible des lieux familiers, et des connaissances déjà établies. Si vous avez des repères, vous serez moins sujet à l’anxiété.
Et si l’anxiété sociale vous handicape au point de ne pas du tout réussir à rencontrer de nouvelles personnes, il sera conseillé de se faire accompagner en thérapie par un professionnel qui pourra vous aider à trouver des stratégies pour la diminuer.
« Quand il parle de ses intérêts, il se transforme. » Cette phrase peut s’appliquer à de nombreuses personnes autistes qui s’animent et deviennent très verbales lorsqu’on les lance sur leurs sujets de prédilection. Souvent, leur malaise social s’efface, et elles peuvent alors se sociabiliser de manière plus aisée.
Pour se faire des amis en tant que personne autiste, cela peut donc être une bonne idée de chercher des personnes qui partagent nos intérêts. Cela permet d’une part d’esquiver une partie de l’anxiété liée à de nouvelles rencontres, mais aussi de s’assurer qu’on arrive en terrain connu.
Forums, associations, et autres groupements peuvent donc être un bon moyen de mettre un pied dans un cercle social établi, dans un environnement peut-être moins stressant.
Contrairement à ce que certaines publications sur le sujet affirment, la clé des relations pour une personne autiste n’est pas de se conformer de manière rigide aux attentes implicites de la société. Porter un masque et jouer un rôle n’est absolument pas un bon moyen de se sentir accepté, et l’on sait désormais que le coût psychologique du masque social est très important pour les personnes concernées.
Par contre, il peut être utile d’apprendre certains codes, qui ne nécessitent pas de changer notre personnalité, mais qui permettent de fluidifier les contacts. Apprendre comment serrer la main, comment se retrouver dans un restaurant, comment aborder une personne, peut nous permettre de nous ouvrir plus facilement aux autres. Dire aussi que l’on a des difficultés : si l’on explique à des personnes qu’on est parfois un peu à l’ouest socialement, cela pourra adoucir certaines maladresses futures.
Souvent, nous sommes instinctivement attirés vers des personnes qui fonctionnent comme nous, qui voient le monde d’une manière similaire. Ce n’est pas pour rien : c’est avec ces personnes-là que l’on se sent en sécurité, et qu’on est souvent capable de s’ouvrir émotionnellement.
Rencontrer des personnes autistes – ou plus largement neuroatypiques – cela peut donc permettre de partager des expériences communes et de se défaire d’une partie des attentes courantes de la société « neurotypique ».
Cela peut aussi être un grand réconfort de se trouver dans un cercle social qui parle de manière directe, qui dit exactement ce qu’il pense, et qui n’a pas particulièrement envie de faire la bise ou de parler du beau temps. Les associations, groupes d’entraide ou autres groupements locaux peuvent donc être l’endroit idéal pour rencontrer des gens qui fonctionnent de manière similaire.
Les sites de rencontres, à l’instar d’Atypikoo, peuvent permettre de cibler les personnes à qui l’on parle. C’est souvent plus aisé pour les autistes de s’exprimer à l’écrit, sans pression de réponse. Cela permet aussi de prendre la température et d’avoir un premier contact avant d’envisager une rencontre « en vrai ».
Les relations en ligne peuvent être tout aussi intenses que des amitiés où l’on se rencontre régulièrement. Pour les personnes autistes, Internet peut donc être un havre où elles trouvent des personnalités qui leur correspondent… Quitte à les rencontrer ensuite « IRL » !
Autiste ne veut pas nécessairement dire isolé, mais on ne peut pas nier que les difficultés sociales mettent souvent des bâtons dans les roues des personnes concernées. Il s’agit donc de trouver des moyens de prendre en compte ses particularités, afin de s’ouvrir à des relations sociales dans un contexte qui nous sécurise.
Cela passe souvent par un apprentissage de certains codes sociaux, et des stratégies de compensation. Il ne faut pas non plus négliger l’intérêt d’avoir des relations avec des personnes qui fonctionnent comme nous, et qui sont donc plus aptes à comprendre nos caractéristiques.
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