« Lui, il est passif-agressif ». Qui n’a pas entendu cette phrase au moins une fois ? Le terme est cependant assez vague, et utilisé de manière libérale pour parler de comportements problématiques. On se penche sur les origines de ce mot, et sur la manière de faire face à de l’agressivité « passive ».

Comportement assif-agressif

« Passif-agressif » : un terme qui vient de la psychiatrie

Le terme « passif-agressif » vient de la psychiatrie, et plus particulièrement du manuel DSM, qui est généralement considéré comme la référence des psychiatres. Mais avant d’être défini de manière clinique, il a connu une évolution. On estime que les premières mentions d’un comportement de ce type ont été définies par le Colonel William C. Menninger au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il observe à cette époque que certains des soldats qui l’entourent sont réticents à obéir, mais n’expriment pas leur désaccord de manière frontale.

À la place, ils résistent de manière passive, boudent, se montrent volontairement inefficaces ou obstruent subtilement la bonne conduite des opérations. En bref, ils montrent leur opposition de manière indirecte. À partir de cette « découverte » de Menninger, le concept prend pied, et il est introduit dans le DSM-I après la Seconde Guerre mondiale. En 1980, le terme « trouble de la personnalité passif-agressif » est ajouté à la troisième version du DSM.

Dans cette édition, le trouble est décrit comme un « mode de comportement reposant sur une résistance passive face aux exigences sociales et professionnelles ». Le profil repose sur au moins cinq facteurs, qui décrivent des tendances à l’irritabilité et à la plainte, avec des marques de mépris. Il n’y a dans ce profil pas d’agressivité directe, à l’inverse d’autres troubles du comportement.

Il faut cependant noter que le trouble de la personnalité passive-agressive a été retiré de la version 4 du DSM, et qu’il n’existe plus dans la version actuelle (5e édition). La raison, c’est que les psychiatres ont estimé que la classification manquait de clarté. Le spectre couvert est nébuleux, et couvre des comportements qui peuvent être expliqués par des traumatismes ou d’autres troubles.

Même topo du côté de la classification des maladies et troubles de l’OMS, la CIM. Dans sa version 10 de 2008, elle catégorisait cette affection dans les « autres troubles de la personnalité », sans la décrire particulièrement. Dans sa version 11, la plus récente, elle se défait par ailleurs des listes de troubles précis, au profit d’une catégorie globale, le trouble de la personnalité. On voit donc que la catégorisation de « passif agressif » a progressivement été abandonnée par la médecine et la psychiatrie, même si elle persiste bien sûr dans l’imaginaire collectif.

Qui sont les personnalités passives-agressives ?

On peut donc quand même décrire ce que seraient les personnalités passives-agressives, tout en restant bien conscient que cette liste de caractéristique ne décrit pas nécessairement un trouble établi. En amour, en amitié ou au travail, on décrit souvent une personnalité passive-agressive comme ayant les caractéristiques ou habitudes suivantes :

  • Repousse toujours tout à plus tard et ne respecte pas les échéances
  • Boude facilement, devient irritable quand elle doit faire quelque chose qu’elle n’a pas envie de faire
  • Travaille lentement ou mal sur des tâches qu’elle n’a pas envie d’accomplir
  • Se plaint de subir des demandes trop importantes de la part de ses proches
  • Évite les responsabilités, prétend qu’elle a oublié pour ne pas avoir à exécuter des tâches
  • Pense cependant qu’elle fait un travail meilleur que la réalité
  • Réagit négativement lorsqu’on lui donne des conseils pour s’améliorer
  • Fait échouer le travail des autres en ne réussissant pas ses tâches
  • Critique et méprise sa hiérarchie, ou son entourage, sans raison fondée

On voit donc que comme le nom l’indique, une personnalité passive-agressive ferait obstacle au bon fonctionnement d’une organisation ou d’une relation, mais pas de manière frontale. La personne ne rentrera pas en conflit direct avec une agression dirigée, mais elle « sabotera » son entourage de manière plus indirecte.

Mettre des mots sur des comportements problématiques

On l’a vu, si le mode « passif-agressif » n’est désormais plus considéré comme un trouble de la personnalité spécifique, il peut quand même décrire des comportements problématiques. Il est donc courant de l’utiliser pour décrire des manières d’êtres de certaines personnes. On conseillera cependant la prudence quand il s’agit d’appliquer un qualificatif empreint de psychiatrie à l’emporte-pièce. Et on laissera aux psychiatres le soin de déterminer si une personne présente un trouble de la personnalité ou non. 

Cela dit, le terme « passif-agressif » peut cependant être utile pour qualifier un comportement, mais pas une personne. Les modes d’agressivité subtils peuvent être difficiles à expliquer pour les personnes qui en sont victimes, c’est pourquoi on a vu émerger des termes adjacents à la psychiatrie pour les décrire (c’est le cas notamment de « pervers narcissique » ou encore « personne toxique », qui s’ils n’ont aucune base clinique mettent parfois en lumière des agressions subtiles).

Le concept d’agression « passive » semble donc important à conserver, afin que les personnes qui en font les frais puissent avoir une référence. Les relations abusives se basent en effet souvent sur des limites floues, et les victimes pensent souvent que puisqu’il n’y a pas eu de coup, puisqu’il n’y a pas eu d’insulte, il ne s’agit pas réellement d’une agression. Mais dans la réalité, les microagressions répétées au sein d’un couple ou d’une relation amicale ont des conséquences tout aussi néfastes sur l’équilibre mental d’une personne.

Les agressions « passives » nous donnent donc un mot clé pour qualifier ce qui peut nous attaquer sans que l’agressivité soit marquée, mais avec des effets qui peuvent être bien réels. C’est donc un outil pour mettre des mots sur des actions !

Comment faire face à de l’agressivité « passive » ?

L’agressivité passive a un avantage pour ceux qui en font usage : elle permet d’esquiver certaines conséquences. Elle n’est pas saisissable facilement, et donc difficile à contrer. Si mon mari traîne des pieds dès que nous avons un rendez-vous, si mon amie me fait souvent des reproches subtils, il est difficile d’expliquer pourquoi c’est gênant, et à quel point. Comment alors gérer des comportements passifs-agressifs ?

Le passif-agressif en couple : à fuir ?

Si l’on est entouré de comportements subtilement agressifs en couple, cela peut créer un environnement très nuisible. Que l’on doive subir des silences obstinés de son ou sa conjointe, ou qu’on subisse des remarques subtilement blessantes, il est important de les identifier, et d’en parler.

Souvent, une personne passive-agressive craint le conflit ouvert, et se mure dans le silence par volonté de protection. La première chose à faire est donc de communiquer. Il est impératif que les deux parties du couple apprennent à se « disputer » de manière saine, en amenant des sujets qui les préoccupent sans crainte d’être attaqués ou jugés.

Par ailleurs, les comportements passifs-agressifs peuvent aussi révéler une peur de l’engagement de la part d’une des deux parties. Il est donc crucial de communiquer sur ce que l’on attend de la relation : il est parfois plus sain de risquer une séparation que de laisser l’incertitude gouverner son couple… En particulier si l’on est neuroatypique, et qu’on a donc besoin de repères établis.

On gardera aussi en tête qu’aimer, c’est être actif. La passivité n’a donc pas sa place dans la construction d’un couple. Pour ceux qui sont donc victimes de comportements passifs-agressifs, il est impératif de faire savoir ses besoins et d’exiger des modes de communication sains et directs.

En amitié et au travail, un délicat équilibre à entretenir

Pour les autres domaines, les conseils sont sensiblement les mêmes. Si l’on a affaire à un ami ou un collègue passif-agressif, on conseillera de verbaliser ces petites agressions, afin de les rendre visibles. Les comportements passifs-agressifs se basent sur la notion que leur cible ne discutera pas des tensions au grand jour. Lorsqu’on le fait, on annule donc ce mécanisme – en déclenchant parfois une agression moins larvée !

On peut aussi rappeler la nécessité de mettre en place des limites nettes, afin que la personne sache que ce type de tactiques ne peut pas fonctionner. On peut faire savoir qu’on ne continuera l’interaction que si la personne est disposée à parler de la problématique de manière directe. On conseillera aussi de garder son calme, afin d’éviter d’empirer la situation.

Cela revient donc à devenir défenseur de sa propre intégrité : mettre des limites et exiger une communication saine, ça n’est pas agresser l’autre, c’est se faire l’avocat de sa propre cause !

Conclusion : les comportements passifs-agressifs

Si le terme « passif agressif » ne décrit plus à ce stade un trouble de la personnalité précis, son usage reste encore courant. Le concept d’agressivité passive peut être utile pour décrire des agressions moins tangibles que celles qui reposent sur la violence physique ou verbale.

Il est important d’identifier ce type de comportements, que cela soit en couple ou dans d’autres domaines de sa vie, afin de privilégier des communications plus directes et saines, qui seront à l’avantage de toutes les parties.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
Vous devez être membre pour voir les réponses et commenter ce sujet de discussion
Inscription gratuite

15 commentaires sur Passif-agressif : comment repérer les signes subtils de cette attitude toxique