Série HPI

La série "HPI" est diffusée sur TF1 depuis le jeudi 29 avril. Les audiences battent des records, plus de 10 millions de téléspectateurs ont regardé le premier épisode.  La série est prolongée pour une deuxième saison.

Derrière l’abréviation HPI, il s’agit bien du haut potentiel intellectuel qui est mis en lumière. On dénombre peu de films et de séries françaises qui traitent de ce sujet. La rareté créant la curiosité, Atypikoo a posé des questions à la scénariste et directrice artistique de la série Alice Chegaray-Breugnot.

La création d’une série implique la volonté d’un scénariste ou d’un diffuseur qui souhaite traiter un sujet ou raconter une histoire. Dans le cas de cette série, qui a initié le projet ?

Alice Chegaray-Breugnot : La série a été initiée par mes cocréateurs Nicolas Jean et Stéphane Carrié qui avaient l’idée d’une consultante HPI aidant la Police dans ses enquêtes. TF1 a aimé ce concept mais encore fallait-il définir les personnages, le ton de la série, des enquêtes etc... De mon côté, j’avais envie de donner un regard différent sur les HPI souvent portés à l’écran sous les traits de profils plus Asperger : Good Doctor, Atypical, Astrid et Raphaël, Esprits Criminels (Spencer Reid), Sherlock, Community (Abed), The Big Bang Theory (Sheldon), Malcom, The Bridge etc... Il me semblait intéressant d’explorer une autre facette de cette différence.


L’offre de séries françaises policières semble souvent dominer sur les autres genres (comédie, romance, science-fiction, etc.). Pensez-vous que le thème du Haut Potentiel Intellectuel aurait pu être traité sous un autre genre que le policier ?

Alice Chegaray-Breugnot : La douance fascine car elle confère une sorte de super pouvoir à celui qui en a hérité.  Le genre policier est donc idéal pour explorer cette particularité. Dans HPI, on voit comment Morgane Alvaro utilise sa grande faculté de mémorisation, sa capacité à associer des idées (pensée disruptive)  afin d’arriver à des déductions originales et spectaculaires. La mise en images de ses fulgurances permet d’entrer dans son cerveau, de comprendre comment se font ses chemins de pensée. Mais on pourrait tout à fait imaginer d’explorer la douance dans un autre genre. Série médicale par exemple, comme Dr House (qui comporte beaucoup d’ingrédients du genre policier), en thriller, avec l’affrontement de deux HPI par exemple, en Drama comme le merveilleux « Good Will Hunting », en animation avec la trilogie de « Kirikou », en sitcom, avec un personnage qui va plus vite que tout le monde, qui finit les phrases des autres et qui fait des blagues que personne ne comprend etc. Cependant, la caractérisation HPI ne peut suffire à définir le personnage. Il faudra, quelque soit le genre, creuser pour définir une personnalité complète, qui soit cohérente avec cette « neuroatypicité ».


Le personnage principal, Morgane, est une personne à Haut Potentiel Intellectuel qui est femme de ménage car elle ne supporte pas l’autorité hiérarchique. Il s’agit d’une caractéristique fréquente des personnes à Haut Potentiel Intellectuel. Quelles ont été vos inspirations et comment avez-vous développé ce personnage par rapport au comportement et aux caractéristiques propres aux personnes à Haut Potentiel Intellectuel ?

Alice Chegaray-Breugnot : Avant de créer le personnage de Morgane, je me suis beaucoup documentée sur le sujet. J’ai lu, rencontré de nombreux HPI, parlé avec des représentants d’associations, des psychologues et neuropsychiatres spécialistes de la question. J’avais aussi une connaissance empirique du sujet, mon père étant HPI lui-même. Un des co-créateurs de la série, Nicolas Jean, a aussi un fils HPI. Toute cette connaissance a servi de matière première à la création du personnage de Morgane.

Le test de QI permet de connaître l’indication quantitative de l’intelligence d’une personne. La moyenne de la population se situe autour de 100. Les personnes qui ont plus de 130 sont considérées comme des personnes à Haut Potentiel Intellectuel. En l’occurrence, Morgane a 160 de QI. Les chercheurs ont pu identifier que Newton, Michel-Ange et Einstein avaient un QI de 160. Pourquoi avoir choisi un niveau aussi élevé de QI pour le personnage de Morgane ?

Alice Chegaray-Breugnot : Une femme de ménage, intérimaire, embauchée par la Police en tant que consultante est ce qu’on appelle dans notre jargon un « high concept », une idée « Bigger than life », qu’il fallait rendre la plus crédible possible. Donner à Morgane une capacité réellement hors norme permettait d’acheter ce postulat de départ. Pour autant, Morgane est indéniablement THPI. Un QI de 160 représente 0,003 % de la population selon les études que j’ai pu consulter. Cette statistique ramenée à la population française correspond à deux individus sur notre territoire. Nous restons donc dans l’ordre du possible.

Une série repose sur des éléments narratifs qui structurent les épisodes. Dans cette série, on identifie deux intrigues principales : l’intrigue policière qui est bouclée par épisode et l’intrigue de Morgane qui est « feuilletonnante » sur toute la saison. Comment avez-vous pensé l’évolution du personnage de Morgane ?

Alice Chegaray-Breugnot : Devenir consultante dans la Police, va permettre à Morgane de trouver un rôle dans la société et de mettre ses grandes capacités au service des autres. Elle qui a souffert d’exclusion dans l’enfance, va trouver par ce nouveau job une forme de réparation narcissique. Cette évolution ne se fera pas de façon linéaire. Son impulsivité, son sens de la justice et son insoumission (voire une petite tendance à l’auto-sabotage) mettront parfois en danger cette collaboration.

Morgane est une femme célibataire très indépendante. Pouvez-vous nous en dire plus sur son rapport aux hommes ? Est-ce que ses caractéristiques de HPI ont pu compliquer ses relations amoureuses ? Comment avez-vous construit le personnage à ce niveau ?

Alice Chegaray-Breugnot : Morgane n’est pas facile à vivre. Son cerveau en perpétuelle ébullition, son flot de pensées incessant épuisent son entourage. La seule relation amoureuse de Morgane qui ne s’est pas soldée par un échec est celle qu’elle a vécue avec Romain, le père de Théa disparu il y a 15 ans. Une romance idéalisée qui a laissé une ombre sur ses autres relations amoureuses suivantes. Si la saison 1 explore davantage la question de Morgane dans le monde professionnel, la saison 2 permettra d’évoquer plus en profondeur la thématique du couple chez les HPI et plus particulièrement chez Morgane. 

Un personnage de série est composé de différents attributs qui lui donnent une identité et une personnalité. Rien n’est laissé au hasard : le choix du prénom, la façon de parler, ainsi que la tenue vestimentaire. Le personnage principal semble beaucoup apprécier les tissus à motif zèbre. Le zèbre étant fréquemment associé au Haut Potentiel Intellectuel, s’agit-il d’un clin d’œil volontaire ?

serie HPI sur TF1

Alice Chegaray-Breugnot : La personnalité iconoclaste et incontrôlable de Morgane a naturellement guidé nos choix artistiques en matière de costumes. Morgane est indomptable, à l’image du zèbre choisi comme animal totem des HPI. Motifs Léopard, zébrés, tatouage de tigre sur la poitrine sont autant de symboles de son insoumission.

Publié par Delphine

Delphine est la cofondatrice du réseau social de rencontre Atypikoo et l'auteure du livre "Dating Authentique". Depuis plusieurs années, Delphine explore, à travers ses écrits, les spécificités des personnes neurodivergentes et leurs interactions amoureuses.
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1 commentaires sur Rencontre avec Alice Chegaray-Breugnot, la créatrice de la série HPI