Cela fait bientôt vingt ans que Facebook a été créé, et depuis on a fait couler beaucoup d’encre sur les avantages et dérives des réseaux sociaux. Une masse de littérature scientifique conséquente révèle ces dernières années que les réseaux sociaux ont des conséquences néfastes bien réelles sur l’équilibre psychologique de leurs utilisateurs… Mais aussi que les usages des algorithmes et autres publicités soulèvent d’importantes questions éthiques. On explore dans cet article cette face plus sombre de nos applications du quotidien.

Dangers réseaux sociaux

Réseaux sociaux : des conséquences psychologiques bien réelles

Selon Statista, il y aurait actuellement 4,59 milliards d’utilisateurs de réseaux sociaux, sur les 7,8 milliards d’êtres humains existant sur Terre. Et les plateformes occupent une bonne partie de notre temps : nous passerions en moyenne deux heures et demi par jour sur les réseaux sociaux.

Pourtant, nous sommes conscients que ces derniers n’ont pas toujours un effet sain pour notre équilibre psychologique. Une étude de 2018 révélait ainsi que 25 % des adolescents considéraient les réseaux sociaux comme ayant un effet négatif.

Preuve de cette tendance, une étude de Healthline de 2022 révélait que les utilisateurs de réseaux sociaux estimaient devoir prendre une pause de quelques jours sans réseaux sociaux pour améliorer leur équilibre mental. Chez les plus jeunes (15-24 ans), cette part s’élevait même à 46 %.

Pourquoi alors sommes-nous tant sur les réseaux sociaux, alors même que nous sommes conscients de leurs potentielles dérives et de leur impact négatif sur notre santé mentale ? Comme souvent, la réponse est multiple.

Des plateformes particulièrement addictives

Il faut le rappeler, les réseaux sociaux sont créés pour être addictifs. Plus un utilisateur passe de temps sur Facebook, Twitter ou TikTok, et plus il est amené à voit des publicités, qui sont le fonds de commerce de ces services. Tout l’enjeu pour les entreprises est donc de fidéliser les utilisateurs.

Et pour cela, on va essayer de stimuler la dopamine – c’est-à-dire l’hormone de récompense immédiate du cerveau. Selon Anne Lembke, une experte mondiale de l’addiction de l’Université de Stanford, nous sommes tous devenus accros à ces « shoots » de dopamine que nous obtenons grâce à nos mobiles et applications.

De la même manière que nous avons parfois une envie particulièrement tenace de manger ce second carreau de chocolat, de regarder un autre épisode alors qu’il est tard, ou d’allumer cette cigarette, nous avons aussi envie de regarder nos notifications. Et nos cerveaux s’habituent à être satisfaits un peu trop souvent, toujours selon Lembke :

« Nous perdons notre capacité à attendre pour obtenir une gratification, résoudre des problèmes ou gérer notre frustration ou la douleur dans ses formes multiples. »

Le résultat ? Une addiction aux notifications, aux fils Twitter ou aux likes de Facebook. Et cela passe souvent par une addiction au téléphone. 94 % des participants à une étude récente rapportaient en effet être « troublés » quand ils n’avaient pas leur portable avec eux.

Les réseaux sociaux, facteurs d’isolement ?

Bien que les réseaux sociaux soient, par définition, des lieux virtuels de socialisation, dans les faits, c’est plus compliqué que cela. Certes, les discussions « réelles » que l’on peut avoir sur des services de messagerie nous mettent en contact avec des amis ou inconnus de manière significative. Mais est-ce le cas pour un like ou un commentaire ? A-t-on vraiment connecté avec nos pairs lorsque nous laissons un message de deux mots sur une image ? Est-on réellement au courant de ce qu’il se passe dans la vie de nos amis lorsque nous voyons des photos retouchées de leurs meilleurs moments ?

Par ailleurs, les études sur le sujet tendent à montrer que les réseaux sociaux peuvent être un ajout intéressant pour des relations existant en dehors du monde numérique. Mais si ceux-ci se substituent à des relations dans la vie réelle, ils peuvent être facteur d’isolation.

Pourquoi ? Parce que l’être humain est un animal hypersocial. Nous tirons parti de relations réellement proches. L’ersatz de proximité proposé par les réseaux sociaux ne nous satisfait pas profondément, même si nous avons l’impression d’y trouver notre compte par les mécanismes que nous avons évoqués plus haut.

Des plateformes qui poussent à la comparaison

On le sait, comparer ses réussites, son physique ou son statut social à celui de son entourage est un très bon moyen d’être malheureux. Mais les réseaux sociaux promeuvent justement ce type de pratiques. On affichera sans réfléchir ses vacances en amoureux, ses soirées entre amis ou encore la voiture que l’on vient d’acheter… Tout en comparant ces aspects avec ceux de nos proches.

Une étude de 2014 montrait que des personnes pouvaient se sentir déprimées après avoir passé du temps sur Facebook, car elles se comparaient aux autres. Cette impression a été confirmée par un autre rapport paru en 2017, qui indiquait qu’Instagram était la pire plateforme pour la santé mentale des jeunes – à cette époque.

Preuve de cet aspect néfaste, Instagram a commencé à proposer une option pour cacher le nombre de « likes » sur son application. Mais les réseaux sociaux évoluent et se ressemblent tous un peu, tout du moins dans leurs mécanismes. Ce type d’option n’est donc pas suffisant.

Les réseaux sociaux facilitent-ils le cyber-harcèlement ?

Une conséquence du partage instantané de publications à de très larges groupes, c’est que le harcèlement subi par les enfants ou adolescents se fait désormais potentiellement à grande échelle.

Lorsque le harcèlement n’est pas circonscrit à une classe ou à un établissement scolaire, des publications peuvent trouver un public très large. Avec une fréquence également plus élevée ? C’est ce que semblent indiquer plusieurs études. 59 % des adolescents interrogés ont ainsi rapporté avoir subi du cyber-harcèlement.

La forme de harcèlement la plus courante est les insultes, suivie par les fausses rumeurs. Les messages explicites non sollicités arrivent en troisième position. Malheureusement, la nature même des réseaux de communication fait qu’il est très difficile de freiner le phénomène à la source.

Données personnelles et éthique : tous soumis aux GAFAM ?

Les réseaux sociaux ne viennent pas uniquement modifier la façon dont nous prenons en compte les récompenses immédiates, et notre rapport aux autres. Ils se repaissent également de nos données personnelles, puisque c’est leur modèle économique.

Si l’on a accès de manière gratuite à Facebook ou Instagram, ça n’est pas pour rien : nous fournissons nos données personnelles, et en échange, on nous montre des publicités ciblées. Le problème, c’est que ces données sont souvent partagées de manière non sécurisée, et qu’elles sont utilisées de manière invasive dans nos vies.

Selon une étude, 79 % des utilisateurs d’Internet dans le monde ont l’impression d’avoir complètement perdu le contrôle de leurs données personnelles. Et pour cause : alors que les réseaux sociaux ont explosé depuis vingt ans, nos pratiques de sécurité n’ont pas évolué aussi vite.

Si Instagram possède nos photos gênantes d’adolescence, si Facebook connaît les secrets que nous nous sommes envoyés par message, et si Google dispose de tout l’historique de notre vie, comment peut-on avoir l’impression de contrôler nos données ?

Les algorithmes, un fléau moderne ?

En plus de monétiser nos données et préférences personnelles, les réseaux sociaux s’appuient lourdement sur des algorithmes. Cela veut dire que leurs utilisateurs ne voient pas le contenu par ordre chronologique, mais selon des critères – souvent opaques.

Le résultat, c’est que les publications que nous consultons sont calibrées pour que nous restions le plus longtemps possible sur la plateforme, ou pour convertir notre attention pour un éventuel achat. Il est donc illusoire de penser que les réseaux sociaux servent à partager des publications entre amis : leur but principal est de proposer les algorithmes les plus efficaces possibles pour générer des revenus.

Cela pose bien sûr question en termes de censure : si un contenu factuel n’est pas aussi vendeur qu’une fake news, il ne sera pas mis en avant. Et les efforts des réseaux sociaux pour combattre le phénomène sont encore trop peu efficaces. Ils n’ont par ailleurs pas d’intérêt économique à faire cesser la course aux clics.

Que faire pour se prémunir des risques ?

Comment alors se prémunir des risques liés aux réseaux sociaux ? Tout d’abord en réfléchissant à ce qu’ils nous apportent réellement. Il peut être judicieux de se débarrasser des plateformes qui nous poussent à nous comparer, ou à rechercher l’approbation par des likes ou autres partages.

De même, on conseillera de faire des pauses dans sa vie numérique. Cela permet de voir que notre monde et nos cercles existent a priori encore de manière non virtuelle… Et dans le cas inverse, cela peut nous interroger sur notre rapport aux relations « réelles ».

En ce qui concerne nos données personnelles, il y a un travail d’éducation global à faire, afin de comprendre pourquoi ces dernières sont si importantes, et pourquoi les protéger va devenir une habitude pour les utilisateurs de réseaux sociaux.

On se rappellera également cette expression devenue une maxime courante à l’ère d’Internet : « si l’accès à un service est gratuit, c’est probablement que vous êtes le produit ».

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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23 commentaires sur Réseaux sociaux : sommes-nous tous victimes de leurs dérives ?