« Qui regarde dehors rêve. Qui regarde à l’intérieur se réveille. »
Carl Gustave Yung
Une fois bien éveillés, nous découvrons assurément un monde intérieur avec un potentiel infini. Un potentiel émotionnel et humain qui nous amène vers une vie plus heureuse et en harmonie avec les autres. Mais il ne suffit pas que d’accepter de voyager dans notre monde intérieur pour faire cheminer nos capacités émotives : il faut aussi les développer. Et pour ce faire, nous devons stimuler l’intelligence émotionnelle qui est la plus importante de toute, car elle est celle de notre humanité.
Selon les psychologues américains Peter Salovey et John D. Mayer, l’intelligence émotionnelle est « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi et chez les autres ». L’intelligence émotionnelle des individus est extrêmement variable d’une personne à l’autre : parfois elle est très limitée et parfois exceptionnelle. Elle est une composante majeure de réussite personnelle et de bonheur. Mais tous n’ont pas les mêmes aptitudes émotionnelles et sociales. Cela entraine donc inévitablement des impacts différents dans la vie des gens, qu’elle soit en déficit ou à l’inverse, très bien développée.
L’intelligence émotionnelle n’est pas un vague concept différencié de l’intelligence comme nous la percevons en général. Au contraire, elle est une base fondamentale pour faire fonctionner les autres formes d’intelligence. Elle permet d’utiliser l’ensemble de nos zones cognitives à leur meilleur. Et nous devons la stimuler et la développer dès l’enfance.
Qui a un haut potentiel intellectuel dans les autres formes d’intelligences évaluées par les tests de QI, comme l’intelligence logico-mathématique ou linguistique par exemple, n’a pas forcément son intelligence émotionnelle du même niveau. Car celle-ci ne s’apprend pas à l’école. Il n’y a pas de compétition pour détecter les plus avancés émotionnellement. Presque aucune industrie la recherche. Nous en parlons très peu. En fait, plusieurs ne savent même pas qu’elle existe. La logique humaine s’éloigne alors du cœur.
Un manque d’intelligence émotionnelle ne touche pas uniquement l’individu. Bien au contraire, elle touche toute notre vie sociale et humaine, car elle est aussi collective !
Et si tous les êtres humains sur cette planète avaient développé pleinement leur intelligence émotionnelle. L’Homme pourrait-il faire encore la guerre ? Pourrait-il laisser d’autres humains mourir de faim. L'homme pourrait-il encore tolérer la pauvreté sachant qu’une redistribution des richesses pourrait complètement la faire disparaître ?
Et à une échelle plus près de nous, pourrions-nous nous moquer des autres, être intolérants, racistes ou sexistes ? Avoir de la rage au volant, battre sa femme ou ses enfants, frauder, voler ou exploiter d’autres humains ? Parlerions-nous dans le dos des autres pour les rabaisser ou serions-nous suffisamment empathiques pour comprendre l’autre et l’accepter tel qu’il est ?
Les autres formes d’intelligence sont importantes pour faire fonctionner la société humaine. Nous avons besoin des mathématiques pour les sciences, l’industrie, la médecine. Nous vivons dans une ère de communication. L’intelligence linguistique est donc primordiale. L’intelligence kinesthésique fait vivre l’industrie du sport à l’échelle planétaire. Mais investir sur l’humain n’a jamais été d’un grand intérêt pour les industries en général : ça ne rapporte pas. En quoi développer l’estime chez tous les humains, la confiance en soi ou de développer une bonne gestion des émotions pourrait contribuer à faire fleurir les compagnies et les marchés mondiaux ? Pourtant, ces ingrédients sont indispensables pour faire ressortir le meilleur de nous-même.
Parce que développer chez nos enfants une bonne estime de soi et des capacités de gestion des émotions n’a pas de marché. L’intelligence émotionnelle n’est pas investie. Elle n’est pas au même piédestal que les autres forces cognitives. Elle n’est pas comprise et reconnue dans toute sa valeur. Elle n’est pas traitée comme les autres, soit d’être enseignée dès la petite enfance, pendant notre scolarité et stimulée comme elle le devrait. L’intelligence émotionnelle est la racine de nos capacités à être empathique. À bien gérer nos émotions. À comprendre les autres. Tous de beaux atouts dans notre vie sociale, affective et professionnelle.
Pourtant, cette intelligence devrait être la forme d’intelligence la plus importante de toutes. Car c’est elle qui développe notre humanité, notre bonheur, notre résilience, notre empathie, notre courage. C’est elle qui nous permet de faire grandir sereinement nos enfants et de les aimer pour tous ce qu’ils sont. C’est elle qui nous permet de nous aimer et d’aimer les autres. D’être tolérants et ouverts d’esprit. De bien gérer nos émotions pour qu’elles nous soient utiles et nous guident, sans qu’elles soient un puit chaotique de souffrances. C’est elle qui nous amène à prendre des décisions tout en considérant nos besoins et ceux des autres, incluant celui des humains à venir et des autres formes de vie sur cette Terre.
Près de 50 % des individus éprouvent des difficultés à identifier ce qu'ils ressentent exactement. De plus, environ 10 % de la population est alexithymique : ces personnes ne parviennent pas du tout à distinguer la colère, la peur, la tristesse ou encore l'embarras… Elles savent juste dire qu'elles se sentent mal. Or, si l'on ne réussit pas à identifier ses émotions, il devient difficile de réagir de manière adéquate aux difficultés rencontrées*.
* Inspiré du texte de Catherine Dulude : 19 signes qu’un gestionnaire ne maîtrise pas l’intelligence émotionnelle
Le Projet de Conscience Globale (Global Consciousness Project), menée au sein de l’université de Princeton, vise à démontrer que les consciences humaines sont toutes reliées les unes aux autres. La thèse est la suivante : nous ne sommes pas mentalement isolés en tant qu'individus, mais immergés dans un champ mental humain global de « force » et de « cohérence ».
« Avec cette expérience mondiale, nous sommes en train de démontrer d’abord que notre conscience n’est pas limitée à notre corps, mais semble s’étendre dans un espace beaucoup plus vaste. Ensuite, qu’il semble bien exister une conscience globale dont nous faisons partie. Scientifiquement, il y a encore beaucoup à faire pour que cette hypothèse soit validée à cent pour cent. La première conséquence de cette découverte, c’est qu’il faudra réviser nombre de dogmes scientifiques sur la nature de l’esprit, de la conscience, et même de la vie. La seconde est que, individuellement, elle permet de mieux comprendre que nous faisons partie d’un tout, que nous sommes tous reliés les uns aux autres… »
Roger Nelson
Alors dans la mesure où nous avons une conscience collective humaine, elle est naturellement à l’image de l’ensemble de nos développements individuels accumulés. Et si une trop grande partie de la population n’a pas développé ou très peu développé son intelligence émotionnelle, le monde dans lequel nous vivons, sera alors à l’image d’une intelligence émotionnelle collective limitée.
Une intelligence émotionnelle limitée apporte inévitablement des souffrances importantes. Non seulement la personne elle-même éprouve presque constamment des émotions et des situations difficiles dans tous les aspects de sa vie, mais elle fait souffrir en retour les autres, trop souvent, sans même le savoir. Pourquoi ? Parce qu’elle est limitée dans son intelligence émotionnelle et ne comprend pas les impacts de ce fait sur sa vie et sur les comportements qu’elle fait vivre aux autres. Nous parlons alors de déficit, voire d'un handicap émotionnel. Et elle vit aussi constamment la différence qui existe entre l’optimiste et le pessimiste, qui est la même qui existe entre celui qui réussit et celui qui échoue.
« Dans la mesure où nos émotions bloquent ou amplifient notre capacité de penser et de planifier, d’apprendre en vue d’atteindre un but lointain, de résoudre des problèmes, etc., elles définissent les limites de notre aptitude à utiliser nos capacités mentales innées et décident donc de notre avenir. Et dans la mesure où nous sommes motivés par l’enthousiasme et le plaisir que nous procure ce que nous faisons, les émotions nous mènent à la réussite. C’est en ce sens que l’intelligence émotionnelle est une aptitude maîtresse qui influe profondément sur toutes les autres en les stimulant ou en les inhibant.»
Daniel Goleman
L’intelligence émotionnelle est l’intelligence humaine. Celle qui nous permet d’être ensemble, de s’entraider, de coopérer, de s’aimer. C’est elle qui nous amène à devenir le meilleur de nous-même. C’est elle qui nous rapproche des autres et qui nous permet de développer notre humanité, notre sérénité et notre cœur. Elle est la force première de notre joie de vivre, de la confiance en soi et en les autres. Elle nous fait grandir à long terme, autant pour trouver notre bonheur, mais aussi pour le bonheur des autres à venir. Elle nous permet d’aimer tout ce qui est vie et de vouloir retrouver l’homéostasie avec elle. Elle calme nos émotions et celles-ci deviennent des alliées plutôt que de la souffrance.
Comme toute autre forme d’intelligence, certains ont naturellement ces forces cognitives émotionnelles et d’autres en sont limités. Certains les ont ignorés, refusant de croire que l’ensemble de leur malheur était créé par ce déficit. Déficit souvent relié à la souffrance d’avoir grandi avec des parents ayant eux-mêmes peu d’intelligence émotionnelle. Et sans modèle ni apprentissage soutenu, et n’étant pas dans la liste de cours obligatoires à l’école, ces régions cognitives de la gestion des émotions et de la communication sociale ce sont peut-être même atrophiées à être sous-utilisées.
Alors comment observons-nous que nous avons développé à son plein potentiel notre intelligence émotionnelle ? Par notre haut niveau de bonheur dans la vie en général. Par nos bonnes capacités sociales et notre niveau d’empathie pour toute forme de vie. Non seulement la personne stimule et développe constamment son intelligence émotionnelle tout au long de sa vie pour la qualité de sa vie, mais aussi pour le développement d’une société responsable et fondamentalement plus humaine.
Les émotions sont une richesse, parce que l’intelligence émotionnelle est indispensable au bon fonctionnement de nos facultés cognitives, telles que l’apprentissage, la concentration, l’attention, la mémoire, le raisonnement, la prise de décision, mais aussi l’adaptation au changement ou l’adaptation sociale. Et si nous visions à développer dès la naissance et tout au long du développement de la personne son intelligence émotionnelle, verrions-nous la souffrance humaine tranquillement s’éclipser, voire disparaître ? Peut-être est-ce le mal de l’être humain, soit de ne pas avoir compris à quel point cette forme d’intelligence est primordiale, essentielle et bénéfique. Peut-être ne la prenons-nous pas pour ce qu’elle est, soit de permettre de trouver un sens heureux à notre vie et respectueux face à tout ce qui existe. Tout comme l’intelligence logico-mathématique nous permet d’aller sur Mars, l’intelligence émotionnelle nous permettra assurément de tous devenir de meilleurs humains.
Rachel Ouellet
Testez votre intelligence émotionnelle
L’intelligence émotionnelle selon Daniel Goleman, écrit par Joseph Chbat Professeur de philosophie Collège André-Grasset.
L'intelligence émotionnelle – Tome 1 de Daniel Goleman et Thierry Pielat (1997)
Intelligence émotionnelle; Analyser et contrôler ses sentiments et ses émotions, et ceux des autres, de Daniel Goleman (2014)
https://noosphere.princeton.edu/
Tous connectés; l’émergence d’une conscience mondiale, Roger D. Nelson, éditions Massot (2020)
9 commentaires sur Cette forme d’intelligence qui nous rend plus humains