L’empathie est un symbole de la capacité de l’être humain à être bienveillant. Lorsque nous sommes en empathie, nous percevons les émotions des autres, et nous pouvons nous y adapter… Parfois trop ? On se penche sur le sujet dans cet article, afin de savoir si l’on peut parfois être « trop » empathique, et si les personnes neuroatypiques ont une empathie qui s’exprime différemment.

Empathie

C’est quoi l’empathie ?

L’empathie, c’est ce qui nous connecte aux autres êtres humains – et même au-delà. Il s’agit de notre capacité à reconnaître et comprendre les sentiments des autres. C’est ce qui fait qu’on peut être touché par la souffrance d’autrui, ou qu’on parvient à comprendre ce qu’ils pensent sans qu’ils l’aient nécessairement verbalisé.

Pourquoi ? Grâce en partie à des « neurones miroirs ». Les recherches en neurologie ont montré qu’il existe des neurones particuliers dans notre cerveau, et qu’ils jouent un rôle non négligeable en ce qui concerne l’empathie. Ceux-ci s’activent notamment lorsque nous voyons une autre personne effectuer une action. Ce sont ces « neurones empathiques » qui entrent en jeu en ce qui concerne le bâillement. Si nous voyons quelqu’un bâiller (ou si l’on imagine quelqu’un en train de bâiller en lisant ces lignes), on peut ressentir une envie irrépressible de bâiller soi-même. Mais les neurones miroirs ne jouent bien sûr pas uniquement ce rôle.

Les neurones miroirs entrent en jeu en ce qui concerne l’imitation, et donc l’apprentissage. Ils permettent ainsi de reproduire des comportements ou gestes, mais aussi d’être conscients de l’environnement social dans lequel on évolue et d’adapter son comportement en fonction. C’est donc ce qui peut nous permettre de nous adapter instinctivement.

Les dernières recherches montrent cependant que les neurones miroirs sont très loin d’être les seuls composants de notre empathie. L’empathie peut être le fruit d’un travail cognitif (c’est-à-dire d’une réflexion) plutôt que d’un instinct. Et chez les personnes atypiques, c’est même souvent le cas, comme on le verra plus bas.

Il existerait plusieurs types d’empathie

Les travaux de recherche sur l’empathie ont fait émerger plusieurs types d’empathie, avec une distinction couramment utilisée entre l’empathie cognitive et l’empathie intellectuelle :

  • L’empathie émotionnelle est notre capacité à ressentir les émotions d’autrui : « Je vois que cette personne a de la peine. »
  • L’empathie cognitive est notre capacité à comprendre les émotions d’autrui : « Je comprends pourquoi cette personne a de la peine. »

L’empathie émotionnelle est donc la raison pour laquelle on grimace quand on voit quelqu’un souffrir… Et l’empathie cognitive nous permet de comprendre les causes de sa souffrance.

Attention, il faut distinguer l’empathie de la compassion ou de la sympathie. On peut avoir de l’empathie (identifier les émotions des autres) sans que cela ne suscite en nous un besoin d’améliorer la situation de la personne.

L’empathie : le symbole de la civilisation ?

On dit souvent qu’un des premiers signes de civilisation est la découverte archéologique d’un fémur cassé, qui a été réparé. Cette découverte montre que l’être humain s’est construit en prenant soin de son prochain, et donc en le soignant même s’il n’était pas « fonctionnel ».

L’empathie est-elle donc la base de notre civilisation ? L’être humain s’est développé jusqu’à l’époque moderne grâce à ses capacités inégalées pour la coopération et l’organisation des masses. Et cela aurait-il été possible sans l’empathie ? Probablement pas.

La présence de ces neurones miroirs, et le fait que nos sociétés sont basées sur la collaboration, montrent que l’empathie est peut-être un des super-pouvoirs qui ont permis à l’homme de se détacher du reste du règne animal.

Les personnes atypiques ont-elles une empathie différente ?

Les personnes « neuroatypiques » ont comme leur nom l’indique des câblages neurologiques différents de la moyenne. Cela joue-t-il alors sur l’empathie des personnes autistes, TDAH ou des personnes à haut potentiel intellectuel ?

A priori, oui, en tout cas pour les personnes autistes. On a longtemps cru que les autistes n’avaient pas d’empathie : on sait désormais que ça n’est pas vrai, mais il est possible qu’il y ait en nous des difficultés plus importantes avec l’empathie cognitive. C’est-à-dire que l’on pourra ressentir fortement les émotions et les souffrances des autres… Mais pas nécessairement comprendre pourquoi celles-ci surviennent. C’est ce qui mène parfois à quelques quiproquos sociaux. Rassurez-vous cependant, si vous êtes autiste, vous êtes tout à fait capable d’empathie… Elle s’exprime simplement de manière parfois différente.

Un autre cliché qui circule sur les personnes TDAH est aussi leur manque supposé d’empathie. Après tout, elles interrompent verbalement les autres, leur comportement est parfois impulsif et elles ont du mal à se souvenir des tâches qu’on leur demande de faire… N’est-ce pas par manque d’empathie ? Vous le devinez, ce n’est aucunement un signe de manque d’empathie, mais plutôt une incapacité à moduler son attention. C’est même plutôt l’inverse : les personnes concernées par un TDAH peuvent être particulièrement critiques avec elles-mêmes lorsqu’elles se rendent compte qu’elles ont potentiellement blessé quelqu’un.

Chez les personnes présentant un haut potentiel intellectuel, on parle parfois d’hyperempathie. On pourra alors ressentir de vives émotions face à la souffrance d’êtres humains, d’animaux ou d’autres éléments de notre entourage. Il faut cependant distinguer l’hyperempathie de l’hyperémotivité. Une personne HPI peut en effet avoir des capacités d’empathie normales, mais se sentir très touchée par la souffrance d’autrui. Dans ce cas, il s’agira plus de contagion émotionnelle, et d’émotions qui débordent, que d’une capacité d’empathie plus élevée que la moyenne.

Par ailleurs, comme le note la psychologue Stéphanie Aubertin dans un article consacré au sujet, être intelligent ne rend pas plus empathique instinctivement :

« Être intelligent ne permet donc pas de mieux identifier l’émotion d’autrui si nous ne nous servons pas du contenu verbal échangé. »

Peut-on avoir « trop » d’empathie ?

« J’ai trop d’empathie ! » C’est une phrase qu’on peut entendre souvent, prononcée par des personnes qui se sentent envahies par les émotions des autres. Regarder le JT nous fait trop de peine, croiser une personne en colère nous glace, et la tristesse de nos proches peut nous paralyser. Mais est-ce réellement de l’empathie ?

On vient de voir qu’il faut distinguer l’empathie, c’est-à-dire la capacité à comprendre les ressentis d’autrui, de la contagion émotionnelle, c’est-à-dire ressentir une émotion similaire à celle que l’on voit en face de nous. Souvent, les personnes qui se disent trop empathiques sont plutôt hyperémotives… Voire hypervigilantes.

L’hypervigilance, c’est être aux aguets sans s’en rendre compte en ce qui concerne les émotions des autres. Noter un pincement de lèvres discret de son interlocuteur, savoir analyser les bruits de pas pour savoir si une personne est fâchée, déceler très rapidement un changement d’humeur chez quelqu’un… Et ce n’est pas forcément un don, mais plutôt un réflexe acquis. Chez les personnes qui ont dû très tôt gérer les émotions des autres, voire qui ont dû anticiper des abus, on trouve souvent ces traits. Ce n’est donc pas dans ce cas de l’empathie, mais une vigilance accrue, qui n’a pas forcément une origine saine.

Si vous ressentez fortement les émotions des autres au point de les faire vôtres, si vous avez des capacités particulières pour apaiser les situations et gérer des moments conflictuels, ça n’est pas nécessairement un signe d’empathie… Mais simplement un signe que vous avez de l’entraînement !

Gérer son empathie dans ses relations

Dans nos relations amicales ou amoureuses, il est donc important d’identifier ce qui relève de l’empathie… Ou d’une tendance à trop « éponger » les émotions des autres. Par ailleurs, on projette parfois des émotions sur les autres, comme le souligne Stéphanie Aubertin :

« Nous ne sommes pas les mieux placés pour estimer nos capacités à identifier correctement les émotions d’autrui et parfois même, nous nous leurrons complètement. »

Si l’on a une estime de soi fragilisée, ou si l’on s’est construit avec des modèles « passif-agressifs », on peut en effet surinterpréter des situations :

  • Si elle n’a pas répondu à mon message, c’est qu’elle m’en veut (et pas qu’elle est occupée)
  • S’il ne m’a pas dit bonjour ce matin, c’est qu’il ne va pas bien (et pas qu’il est distrait)
  • Si elle ne m’a pas invitée ce week-end c’est parce qu’elle n’a pas dû apprécier ma blague l’autre jour (et pas qu’elle a autre chose de prévu)

Il s’agit donc de bien distinguer ce qui relève de l’empathie, et ce qui relève de notre tendance à projeter des émotions sur les autres.

Conclusion

Les capacités d’empathie nous permettent d’identifier avec aisance les émotions vécues par notre entourage. Mais il faut bien faire le tri entre ce que nous pouvons faire (observer et comprendre les émotions de quelqu’un) et ce que l’on ressent (la tristesse me bouleverse, je ne supporte pas la colère).

C’est particulièrement le cas pour les personnes neuroatypiques, qui sont souvent très sensibles à des changements d’humeur ou de situation, et qui peuvent parfois se retrouver débordées émotionnellement. En amitié, en amour ou dans toutes nos autres relations, savoir quand agir avec notre empathie peut donc être une clé pour des moments plus apaisés.

Publié par Marine

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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38 commentaires sur L’empathie : entre super-pouvoir et fardeau ?