Vous êtes plutôt cerveau gauche, ou cerveau droit ? La réponse à cette question est « aucun des deux ». Le mythe des hémisphères séparés, et des caractères qui seraient déterminés par ceux-ci, a la vie dure. On revient sur la réalité neurologique derrière cette idée reçue, et la manière dont fonctionnent les deux moitiés de notre cerceau.

Mythe cerveau gauche cerveau droit

Un peu de biologie : comment fonctionne le cerveau ?

Pour comprendre de quoi il en retourne, on peut commencer pas se pencher sur le fonctionnement du cerveau, et plus particulièrement de ses hémisphères. Pour rappel, ces derniers sont séparés en deux, et couramment appelés cerveau gauche et cerveau droit. Ils régissent l’ensemble de ce qu’on appelle les « fonctions mentales supérieures ». C’est-à-dire nos pensées et mouvements, mais aussi notre mémoire, la manière dont nous stockons les informations, etc.

D’autres éléments du cerveau revêtent également une importance capitale, comme le tronc cérébral, ou le cervelet, mais pour les besoins de cet article nous nous concentrerons uniquement sur les hémisphères.

Les hémisphères sont eux-mêmes divisés en plusieurs lobes :

  • Le lobe frontal, qui gère le langage et notre capacité à parler, ainsi que nos prises de décisions et mouvements. Il a une grande influence sur notre personnalité.
  • Le lobe pariétal : il nous permet de lire et de nous repérer dans l’espace. C’est aussi lui qui gère notre sensibilité.
  • Le lobe occipital, qui a trait à notre vision
  • Le lobe temporal, qui gère notre mémoire, nos émotions, mais aussi le langage

On le voit, les différents lobes sont intriqués, et gèrent des domaines parallèles, ou qui se recoupent. On peut aussi dire pour résumer que les hémisphères gèrent en général le côté opposé du corps. C’est-à-dire que le lobe frontal gauche nous permettra de gérer les mouvements du côté droit de notre corps, et inversement.

On insistera sur la similarité des deux hémisphères : ils sont composés de la même manière, avec les mêmes zones dédiées.

Cerveau gauche, cerveau droit : une séparation qui joue sur notre personnalité ?

Pourtant, une idée populaire et persistante fait de la séparation entre nos deux hémisphères la base de notre caractère. C’est-à-dire que l’on aurait d’un côté un cerveau gauche qui serait plus rationnel, logique, avec une résolution de problèmes séquentielle. Il correspondrait à des personnalités analytiques et rationnelles.

À l’inverse, le cerveau droit serait plus émotionnel, avec des raisonnements intuitifs. Il résoudrait des problèmes par instinct, et correspondrait à des personnalités plus spontanées et émotionnelles.

Sauf que dans les faits, rien de tout cela n’est vérifié. Cette idée a été popularisée en extrapolant des réalités biologiques jusqu’à créer des théories sur les personnalités des personnes. On notera aussi que le cerveau se caractérise par sa grande plasticité : il n’est pas circonscrit à deux hémisphères hermétiques… Et heureusement : c’est ce qui permet une grande résilience à l’être humain.

La réalité biologique derrière le mythe

D’où vient alors ce mythe ? D’une certaine réalité scientifique. Dans les années 1860, Pierre Paul Broca, un neurologiste français, décide d’observer des cerveaux post-mortem. Il note que des patients qui avaient des problématiques de langage avaient tous un lobe frontal gauche abîmé. Il en conclut donc que la parole était certainement davantage gérée par ce côté en particulier.

Ces recherches ont été poursuivies par le chercheur allemand Carl Wernicke, qui a lui aussi étudié la localisation du cerveau où se trouveraient les fonctions du langage. Au cours des années 1960 et 1970, des expériences sur des cerveaux « séparés » vont plus loin, grâce aux travaux du chercheur Roger Sperry.

Ses expériences – qui dissocient les hémisphères – ont en effet montré que la plupart des individus traitent les fonctions majeures du langage avec la partie gauche de leur cerveau. C’est de là qu’est partie la croyance populaire que la logique serait plutôt une affaire de cerveau gauche, le langage étant faussement considéré comme le summum de la logique humaine.

D’autres recherches ont montré que la partie droite du cerveau était chez la plupart des personnes observées consacrée plus particulièrement au domaine visuo-spatial. C’est-à-dire à notre capacité à nous repérer dans l’espace.

Une séparation des tâches qui ne joue pas nécessairement sur notre personnalité

Il faut cependant préciser qu’il ne s’agit que d’une tendance, et en aucun cas d’une spécificité à chaque hémisphère. Par ailleurs, ce traitement privilégié des capacités du cerveau n’est qu’une localisation. Les croyances populaires se sont cependant emparées du sujet et ont extrapolé les idées jusqu’à en faire des marqueurs de caractères.

On se retrouve donc avec cette idée d’un cerveau gauche « logique » et « verbal », et un cerveau droit « instinctif » et « émotionnel », qui est déjà fausse. À cela s’ajoute l’idée qu’un hémisphère dominerait l’autre, et qu’il façonnerait notre caractère. Ces deux idées ne sont pas basées sur des réalités scientifiques observables.

Cette interprétation a cependant été popularisée par plusieurs publications. En 1970, le psychologue Robert Ornstein expliquait ainsi dans « The Psychology of Consciousness » que les Occidentaux n’utilisent que la moitié de leur cerveau. Cette conception binaire a alimenté le mythe du cerveau gauche et du cerveau droit.

L’on trouve encore un grand nombre de publications qui expliquent la différence supposée entre cerveau gauche et cerveau droit. Ou encore des tests en ligne qui nous invitent à déterminer dans quelle catégorie nous nous situons. Ces publications sont cependant tout sauf scientifiques.

Le seuil de la créativité se situe… Partout !

Les fonctions du cerveau sont en réalité bien plus intriquées que l’on peut le penser. Si une certaine préférence en termes de latéralisation existe, cela ne veut pas dire que les autres zones ne sont pas activées… Ni que cela révèle quoi que ce soit sur une personne.

Une étude de 2009 montrait ainsi que lorsqu’on demande à des individus d’identifier des chiffres arabes (1,2,3 etc.), les deux hémisphères sont activés. La même chose a été observée lorsqu’il s’agit de décoder des mots écrits, ou du langage parlé. Cela montre bien qu’il n’existe pas de séparation hermétique des tâches.

Par ailleurs, faire de la moitié du cerveau le seuil de la créativité, à l’opposé de la logique, est un non-sens. La créativité peut en effet s’appuyer sur la logique, en passant par la reconnaissance de motifs communs, ou en s’appuyant sur nos capacités de langage. De même que l’instinct peut être considéré comme une logique rapide et non conscientisée. Il faut donc être prudent avec ces concepts.

Conclusion

La majorité des scientifiques actuels s’accordent sur le fait que si certaines fonctions du cerveau sont plus présentes à gauche qu’à droite, cela ne veut pas dire que les deux hémisphères travaillent de manière isolée. C’est l’ensemble du cerveau qui s’active pour répondre à une tâche, et c’est justement ce qui le rend aussi efficace.

Par ailleurs, tirer des conclusions sur le caractère des personnes en se basant sur ce type d’observations n’est basé sur aucune réalité scientifique. Cela repose plutôt sur une conception populaire – mais erronée – qu’il y aurait d’un côté des personnes avec une tendance plutôt logique, et d’autres avec une tendance plutôt créative.

Toute croyance populaire qui vise à classifier les personnalités et compétences de manière binaire doit donc être prise avec quelques pincettes. En particulier quand il s’agit du fonctionnement neurologique des humains, qui est notoirement complexe. Vous n’êtes donc ni cerveau gauche, ni cerveau droit, et c’est sûrement mieux comme ça.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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10 commentaires sur Vous n’êtes ni cerveau gauche, ni cerveau droit. Voici pourquoi