HPI : quand se conformer et quand se singulariser • Atypikoo

Quand se conformer et quand se singulariser quand on a un haut potentiel intellectuel et/ou sensible ?

Peut-être la question n’est-elle que provocatrice et que la réponse tangible à cette question est que nous sommes tous uniques et que, en même temps, nous avons tous des similarités. D’où que l’on se place dans la neurodiversité, nous avons tous des traits identiques à partager et des éléments de vie singuliers pour nous définir. Alors comment réduire le décalage quand on pense intensément, quand on ressent profondément, et quand on vit de manière presque ardente ? Quelle est la responsabilité qui vient avec le don ; comment vivre une empathie qui n’est pas toujours choisie ? Quel est le prix et la valeur de l’authenticité sur la scène sociale ? Et enfin, à qui s’adresse le respect ?

Tout comme je ne saurai jamais vraiment ce que c’est que de vivre dans le corps d’un homme parce que je ne connais que le corps que j’ai, je ne connais que le fonctionnement atypique qui est le mien. Si le décalage existe, il y a d’autres enchaînements possibles tels que la sur-adaptation ou le rejet. Ces deux possibilités sont les extrêmes d’un spectre relationnel et sont tout autant anxiogène l’un que l’autre : trop proche trop vite et l’on se sent étouffer. Trop loin pour trop longtemps, et l’on se sent rejeté. Ces distances sont autant cognitives, affectives, sociales, ou géographiques. Quand on pense différemment, on peut se faire comprendre ou rester incompris. Quand on ressent différemment, on peut être rejoint ou être jugé. Quand on se comporte différemment, on peut être accepté ou éjecté. Finalement, quand on vient d’ailleurs, on peut être accueilli ou l’on peut être toléré. 

Même si les extrêmes sont possibles, ces deux pôles (sur-adaptation ou rejet) et ces quatre types de présences (cognitive, affective, sociale, ou géographique) permettent un très grand nombre de combinaisons et donc de terrains de jeu sécurisés et constructifs.  Parfois, il vaut mieux se comprendre en profondeur, mais de loin. Ou alors, il sera plus facile de partager une expérience collective intense si nous sommes dispersés et que l’on se retrouve sur une plateforme digitale. Pour certaines personnes encore, il sera plus sécurisant de combler avec de l’information une relation qui s’intensifie de manière affective : toutes les (co)-constructions sont possibles.

Alors explorons. 

Mon regard sur le potentiel est lié au concept d’énergie potentielle en physique : une masse n’a d’énergie que celle qu’elle est capable de déployer par sa transformation, initiée le plus souvent par le mouvement (vitesse, gravitation, etc.). Je pense donc que le potentiel intellectuel et/ou sensible n’a de valeur que s’il est mis en mouvement. Pour ma part, cela explique ce sentiment d’urgence et de responsabilité que j’ai toujours ressentis très fort. Je me sens responsable d’aller vers l’autre ; sinon, à quoi bon avoir du potentiel si c’est pour qu’il ne reste qu’une masse en attente d’être transformée. Cependant, pour ma part, je suis plutôt d’une nature introvertie et aller partager mon monde avec les autres n’est pas toujours très naturel. Si je réduis une forme de distance, je reste généralement maître des autres formes. Si je partage de l’information, je reste plus loin, par exemple ; si je dévoile des émotions, je garderai le contexte pour moi, peut-être. Si je me rapproche du monde de l’autre, je vais écouter et comprendre, mais rarement partager. 

Il est donc possible de rester assez loin pour ne pas s’assimiler et assez proche pour réduire la distance, au moins sur un des types de présence, pour célébrer en pleine conscience et en toute sincérité la connexion. C’est, pour ma part, une stratégie de base. J’ai une telle confiance dans cette liberté que j’approche toute relation avec sérénité et même de manière ludique. Je sais que je ne vais pas rencontrer de menace pour mon identité et je peux donc m’engager dans la co-construction d’un dialogue, d’une relation, d’une expérience, ou d’une rencontre. 

Avec cette responsabilité dans le mouvement vient aussi le déploiement de l’empathie. Se rapprocher avec un affect fermé n’a pas de sens en soi ; ce serait créer de l’énergie cinétique (mouvement) pour réduire l’énergie gravitationnelle (impact) et donc un gain zéro. C’est aussi un indicateur pour savoir à quelle distance rester pour pouvoir protéger son intégrité. Si j’ai des signaux que je ne peux pas garder mes émotions ouvertes au monde de l’autre, c’est que le monde de l’autre représente une menace pour moi : pas l’autre en soi, mais son cadre de référence, ses affects, ses actions, ou ses élans. C’est donc à moi de gérer cette distance avec cette personne pour que je puisse vivre mon intégrité et respecter celle de l’autre sans jugement. Entre en jeu la notion de temps : combien de temps est-ce que je peux rester en présence d’émotions qui ont un effet pesant, blessant, ou menaçant ? Si je ne peux pas contrôler la distance, je devrais au moins pouvoir en contrôler combien de temps je vais m’exposer. Ensuite, c’est à moi de faire ce qu’il faudra pour que je sois à nouveau dans une position de m’accueillir moi-même et/ou l’autre. L’empathie commence peut-être effectivement par l’écoute de soi et la compassion que l’on se donne. 

Cette compassion envers soi peut s’initier par une observation de son dialogue intérieur. J’essaie de me parler de la manière dont je parle aux gens que j’aime. J’essaie de ne pas accepter de me parler comme je n’accepterais pas qu’on me parle. Il y a pourtant un jeu qui s’installe dans mon dialogue intérieur. Je ne pense pas toujours en mots. Parfois, je me parle en gestes ou en élans : Je vais manger quelque chose qui n’est pas bon pour moi par colère ; ou je vais écouter une musique très spécifique parce que les mots sont trop lourds, mais que je sais ce que cette humeur véhiculée par une chanson par exemple, m’atteint sans me surprendre. Même si j’essaie d’être à l’écoute de moi-même, je me pardonne de ne pas tout entendre non plus. Ce dialogue, qui est la suite logique de ma responsabilité par rapport à mon potentiel et de mon empathie pour les autres, a aussi l’ancrage pour permettre une authenticité que je n’ai pas envie de compromettre. Une fois que je me suis écoutée, je n’ai plus envie de me nier. Si mon message est assez clair et assez bon pour moi, il l’est aussi pour l’autre si l’autre est réceptif.

Finalement, tout système a des limites, des frontières, et des lisières ; moi y compris. Ce n’est pas parce que j’ai du potentiel que je sais tout ou que je peux tout. Ce n’est pas parce que je suis sensible que je dois tout accepter ou tout comprendre. Ce n’est pas parce que je suis authentique que je peux imposer mon monde aux autres. Le respect, c’est peut-être justement de savoir jusqu'où aller et où ne pas s’aventurer, tant pour soi que pour l’autre. 

Il ne s’agit donc pas d’une formule, d’un algorithme, d’une appli, ou d’un GPS. Trouver la bonne distance pour ne pas être assimilé et étouffé ; ou pour ne pas être rejeté et isolé, c’est une écoute constante de ses pensées et de ses affects. Parce que, des pensées et des affects, ne serait-ce pas justement ce par quoi nous sommes assez constamment bombardés ? Se rencontrer, s'écouter, se comprendre, et/ou se rapprocher dans la responsabilité, l’empathie, l'authenticité, et le respect pourraient être justement une bonne utilisation de ce potentiel, transformé en mouvement vers soi et vers les autres.

Publié par Christine

J'ai enseigné la psychologie et de la communication dans des universités américaines pendant 15 ans. Aujourd'hui, je suis conférencière experte en gestion de crises et des pertes en entreprise mais aussi coach spécialiste en croissance post-traumatique.
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9 commentaires sur Quand se conformer et quand se singulariser