La dyslexie peut être très handicapante pour les personnes qui en souffrent. Mais ce trouble pourrait-il aussi être un avantage ? C’est ce que la science suggère : les dyslexiques pourraient avoir des capacités spécifiques, qui peuvent les aider dans certains domaines. Zoom sur ce secteur encore peu exploré.

Petit rappel : qu’est-ce que la dyslexie ?

La dyslexie est un troublé lié à la lecture et la prise en compte des mots. Il s’agit du plus connu des troubles « dys », notamment parce qu’elle est visible très tôt. Les enfants présentant une dyslexie sont en effet souvent décelés à l’école. 

La dyslexie se traduit par diverses caractéristiques, qui empêchent la personne d’avoir une prise en compte, une compréhension et une manipulation de l’écrit dans la norme. On peut ainsi citer des difficultés à lire (avec une vitesse de lecture souvent plus lente que la moyenne), ainsi que des difficultés à entendre des mots, ainsi qu’à composer des phrases.

Il peut aussi être difficile de comprendre le sens des mots lors de la lecture, ou de prendre en compte l’intégralité d’une phrase. La dyslexie se traduit aussi par des difficultés à écrire les mots de manière correcte, des difficultés générales avec l’orthographe, la grammaire… Mais il ne s’agit pas de l’unique aspect de la dyslexie, comme on peut encore l’entendre trop souvent.

On parle d’ailleurs de « dysorthographie » quand les problématiques rencontrées sont spécifiques à l’orthographe. La dysorthographie est dans la plupart des cas une conséquence de la dyslexie, elle est donc souvent considérée comme une « sous-catégorie » de cette dernière.

La différence entre les « dys » et les maladies mentales

La dyslexie est une particularité de fonctionnement, qui est classée parmi les troubles du neurodéveloppement, mais il ne s’agit pas d’une maladie mentale. Elle n’affecte ainsi pas les capacités cognitives (l’intelligence) d’une personne, et l’on peut très bien être haut potentiel intellectuel (HPI) et dyslexique. Tout comme on peut être haut potentiel et autiste, TDAH…

La dyslexie est handicapante pour les personnes concernées, mais ces dernières refusent souvent le terme de « handicap », qui se rapportent souvent à la notion de maladie. De plus en plus de recherches montrent par ailleurs que les « dys » sont associés à des manières de penser différentes, et que ces dernières peuvent constituer un avantage.

Neuroatypies ou avantages évolutifs ?

Pour comprendre de quoi il en retourne, il faut retourner à l’évolution de l’espèce humaine. Si au cours de l’existence de l’humanité, les fonctionnements neurologiques différents ont persisté, il est envisageable que cela soit pour une raison. Autrement dit, si les autistes existent, c’est peut-être parce que leur sens de la concentration a été jugé comme bénéfique au niveau de l’espèce.

De la même manière, le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité peut avoir permis à des humains de prendre certains risques pour tester de nouveaux aliments par exemple, en laissant le groupe en sécurité. Cela a été évoqué dans une étude de 2006 qui se consacrait au sujet.

Ces hypothèses sont de plus en plus développées dans le champ de la recherche, et elles expliqueraient pourquoi les neuroatypies ont persisté chez l’être humain, sans être « éliminées » par l’évolution. Cela voudrait dire que les atypies de fonctionnement ont été un avantage à certains moments, comme l’expliquait la chercheuse en archéologie Penny Spikins, dans une publication de 2016 :

« Nous soutenons que la diversité, la variété entre les personnes, a été probablement plus significative pour le succès de l’évolution humaine que les caractéristiques d’une personne. »

La dyslexie, une capacité à penser au-delà des normes ?

En ce qui concerne spécifiquement la dyslexie, les recherches de Helen Taylor et Martin David Vestergaard ont fait émerger de nouvelles idées sur les origines de ce trouble. Selon les chercheurs, la dyslexie aurait été « conservée » lors de l’évolution humaine, car elle remplissait un rôle clé :

« Nous soulevons la possibilité nouvelle que les personnes diagnostiquées avec une dyslexie développementale sont spécialisées dans la recherche cognitive exploratrice, et plutôt que de présenter une maladie neurocognitive, ils jouent un rôle essentiel dans l’adaptation des êtres humains. »

Comment ? En ayant des capacités d’exploration différentes de la norme. Les chercheurs notent que les capacités d’appréhension de l’environnement des humains peuvent être séparées en deux catégories. Il y a d’une part l’exploration, c’est-à-dire comprendre son environnement en essayant des actions aléatoires. Et de l’autre l’exploitation, c’est-à-dire se baser sur les informations que l’on connaît pour comprendre son environnement.

Pour Helen Taylor et Martin David Vestergaard, les personnes dyslexiques sont des profils qui se sont spécialisés dans l’exploration. En ce sens, ils sont complémentaires des autres êtres humains :

« Les preuves d’une spécialisation dans la recherche suggèrent que, tout comme d’autres organismes sociaux, les humains gèrent un compromis entre l’exploration et l’exploitation en se spécialisant sur des stratégies complémentaires. »

Les humains « typiques » peuvent ainsi exploiter des symboles visuels répétitifs et des « patterns » de manière plus efficace. C’est ce qui leur permet de faire la différence entre b et p, et d’avoir une compréhension aisée de l’écriture. Mais cela se fait peut-être au détriment de l’exploration d’idées nouvelles. Et c’est là où les dyslexiques auraient un avantage.

Cela ne se voit pas forcément, car dans notre monde moderne, tout ou presque est basé sur l’écrit, ce qui met en exergue les difficultés des personnes dyslexiques. Mais aux débuts de l’espèce humaine, leur manière de penser a pu être complémentaire, et leur a sans doute permis de faire des découvertes.

C’est la complémentarité des capacités, et leur diversité, qui aurait alors permis aux humains d’être si adaptables et si résilients. Au final, ce sont les « exploitateurs » et pas les « explorateurs » qui ont été plus nombreux. Mais dans un monde où les dyslexiques auraient été plus nombreux, il est probable que les tests scolaires auraient été bien différents !

Par ailleurs, comme on le disait plus haut, on peut appliquer cette manière d’appréhender les « dys » à d’autres atypies de fonctionnement. C’est aussi ce que concluait l’étude, qui évoquait notamment le cas des personnes autistes :

« Beaucoup d’individus situés sur le spectre de l’autisme peuvent être considérés comme ayant des capacités de recherches locales et poussées supérieures, ce qui reflète un écart de processus plutôt qu’un déficit. »

Ce que cela veut dire, c’est que les capacités de concentration et la minutie des autistes en font parfois des chercheurs nés, au-delà de leurs difficultés sociales… Mais que la société juge qu’ils ont tendance à se perdre dans les détails.

La dyslexie : un avantage entrepreneurial ?

En ce qui concerne la dyslexie en particulier, elle peut être vue comme un avantage dans le milieu entrepreneurial. En effet, pour créer une nouvelle entreprise, un nouveau service, il faut avoir en soi des capacités à explorer au-delà de ce que l’on connaît déjà.

La preuve, c’est que plusieurs grands entrepreneurs se sont fait connaître dans le monde. L’exemple le plus souvent cité est Richard Branson, le créateur de Virgin Group. Ce dernier s’est souvent exprimé sur sa dyslexie, qu’il considère comme un avantage. Parmi les autres dyslexiques à succès, on peut aussi citer Ingvar Kamprad, le fondateur d’IKEA, ou encore Steve Jobs, le fondateur d’Apple.

Les personnes dyslexiques ont comme d’autres personnes neuroatypiques de grandes capacités d’adaptation, car elles évoluent dans un monde qui n’est pas basé sur leurs besoins. Cela peut donc se transformer en atout, et en une très grande adaptabilité.

Par ailleurs, les personnes dyslexiques peuvent simplifier des concepts pour les rendre accessibles – c’est souvent ce qui démarque un produit d’un autre. Ils ont aussi souvent développé une aisance à l’oral, pour compenser leurs limitations à l’écrit.

On le voit, la dyslexie est donc une autre manière d’être au monde. Si elle entraîne des difficultés dans un domaine précis, elle donne aussi des avantages dans d’autres domaines. Pour prendre un autre exemple, Pablo Picasso aurait-il pu créer la révolution du cubisme s’il n’avait pas des capacités à explorer et voir le monde de manière différente ?

Conclusion : la dyslexie comme avantage

Pour conclure sur ce vaste sujet, on peut dire que la complémentarité entre ces différents moyens d’appréhender le monde serait ce qui aurait donné à l’être humain une partie de ses capacités d’adaptation extraordinaires. Les dyslexiques ne seraient donc qu’une variation des compétences et capacités naturelles de l’espèce humaine.

Cela veut aussi dire que les êtres humains présentant des « dys » ne sont pas moins compétents que la moyenne. Ils sont par contre évalués sur des compétences partagées par une frange dominante de la population. On en revient comme souvent à la notion de norme. Si les tests scolaires avaient été écrits par une armée de dyslexiques, il est probable que les enfants « dys » auraient des résultats exceptionnels… Et que les enfants « neurotypiques » auraient bien plus de difficulté !

Il ne s’agit cependant pas de nier les difficultés des personnes dyslexiques, qui naviguent dans un monde qui n’est pas toujours adapté à leur manière de penser. C’est pourquoi se faire accompagner pour apprivoiser ses compétences et ses caractéristiques particulières peut être une bonne idée.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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14 commentaires sur Dyslexie : il pourrait s’agir d’un avantage évolutif, selon la science