Être adaptable. Savoir réagir à de nouvelles situations, de nouvelles données, prendre en compte des éléments pour mieux rebondir. On parle souvent de l’adaptation dans le cadre de l’intelligence. Mais est-ce une qualité particulièrement développée par les personnes atypiques ? Dans cet article, on explore les avantages et inconvénients d’être adaptables.

L’adaptation, une vraie qualité humaine ?

L’être humain se distingue souvent par sa capacité à résoudre des problèmes complexes, avec parfois une grande créativité. C’est l’adaptabilité, ou la capacité à faire face à de nouvelles conditions, qui permet cela.

L’adaptation est un concept très large, qui englobe beaucoup de domaines. On note qu’on peut aussi parler d’adaptation pour d’autres progressions humaines, dont simplement physiques. Mais cet article se concentre strictement sur les capacités d’adaptation intellectuelles.

On juge souvent l’intelligence des autres animaux à leurs capacités à résoudre des problèmes en s’adaptant à de nouvelles données. Le lien entre les deux est donc souvent fait. L’auteur André Gide disait d’ailleurs : « L’intelligence, c’est la faculté d’adaptation ».

Il y a chez l’être humain un besoin d’adaptation qui est existentiel : sans notre capacité à faire face à des environnements changeants, nous ne pouvons pas survivre, ni mentalement, ni physiquement. C’est ainsi que les premiers hommes ont réussi à se développer, en dépassant des concurrents plus forts, plus résistants, mais moins enclins à créer des outils par exemple.

Adaptation ou intelligence fluide ?

Aron Barbey, professeur de psychologie de l’Université de l’Illinois, a estimé qu’il existe deux types de connexions neuronales pour traiter l’information : l’intelligence « cristallisée », et l’intelligence « fluide ».

L’intelligence cristallisée est celle qui utilise nos chemins neuronaux habituels, particulièrement solidifiés par l’usage. Mais l’intelligence « fluide » nous permettrait de faire des connexions par des voies neuronales moins fréquentées, c’est-à-dire de tirer des conclusions avec des données nouvelles.

Ces connexions sont transitoires et elles se réorganisent au sein du cerveau : cette flexibilité joue directement sur notre capacité d’adaptation, selon le chercheur :

« La flexibilité serait donc la base de l’intelligence humaine ou de notre capacité à répondre à des situations nouvelles, au-delà de notre capacité d’atteindre facilement des données “cristallisées” »

Les tests de type WAIS, utilisés pour mesurer le QI, sont d’ailleurs formés autour de cette idée. On présente à la personne de nouveaux problèmes et situations, jusqu’à ce que cette dernière ait atteint sa limite d’adaptation. Les personnes à haut potentiel intellectuel sont celles qui sont parvenues à franchir plus d’étapes que la moyenne.

La maladie mentale : un trouble de l’adaptation ?

Il est parfois considéré que certaines maladies mentales peuvent être causées par un trouble de l’adaptation (qui est par ailleurs un diagnostic à part pour certains psychiatres). Par exemple : un événement stressant comme un changement d’emploi ou un déménagement peut être à l’origine d’une anxiété. Un traumatisme non réglé peut être à l’origine d’une dépression, etc.

Les changements brutaux causent en effet un grand stress aux êtres humains, qui y réagissent souvent comme une situation d’urgence émotionnelle. On peut donc voir le développement de certains troubles et maladies comme une capacité d’adaptation qui a atteint ses limites, et qui ne parvient plus à réguler nos émotions et fonctionnements.

Pour les personnes atypiques, l’adaptation est un besoin

Que penser alors de l’adaptation pour les personnes atypiques ? Par définition, une personne neuro atypique fonctionne neurologiquement différemment de la norme, et évolue dans un monde qui n’a pas été « calibré » pour elle. L’adaptation est donc un enjeu particulièrement crucial pour les personnes HPI, TSA, TDAH ou DYS. Et ce besoin peut être à la fois un atout et un frein, comme on va le voir.

Masque social et faux self : un atout qui a ses limites

À commencer par la sphère sociale. Les personnes neuroatypiques ont souvent dû développer ce qu’on appelle un masque social ou un faux self pour s’adapter émotionnellement à leur environnement. Ainsi, une personne autiste pourra se forcer à faire du « small-talk », et une personne à haut potentiel intellectuel bridera ses réflexions de peur de vexer son interlocuteur.

Il s’agit d’une adaptation à ce que la société attend de soi, afin de moins subir des mises à l’écart et commettre moins de faux pas sociaux. Ce n’est cependant pas nécessairement une bonne chose. Si le masque social permet à une personne de « fonctionner » en société, il a un coût émotionnel très important. Ne pas être soi-même engendre des troubles psychologiques qui peuvent être particulièrement sévères.

Une étude de 2020 montrait en effet que les personnes autistes qui masquent leurs traits auraient plus souvent des idées suicidaires que la moyenne, à cause du sentiment de rejet implicite que cela implique. De manière plus anecdotique, craindre que sa « vraie » personnalité ne ressorte trop induit aussi une grande anxiété.

L’adaptation pour les personnes atypiques : aussi un super-pouvoir ?

L’adaptation a cependant des avantages pour les personnes atypiques. Socialement, elles sont en général ouvertes à la différence et à l’altérité. Puisque leurs cerveaux sont en constante adaptation, ils prennent aisément en compte de nouvelles identités et paramètres, ce qui est un facteur d’ouverture sur autrui.

Par ailleurs, la capacité d’adaptation est aussi une capacité à rebondir. Les personnes atypiques se distinguent souvent par une grande résilience face aux aléas de la vie et à la souffrance psychologique qu’elles peuvent connaître. Cela leur permet parfois de passer au-delà de situations de manière particulièrement souple. 

On peut aussi mentionner la capacité des personnes atypiques à prendre des chemins de pensée non explorés, qui peuvent leur permettre de découvrir des solutions ou concepts inédits.

L’adaptation favorise-t-elle l’intelligence ?

Les personnes intelligentes sont par nature adaptables. Mais est-ce que ce ne serait pas aussi l’inverse ? L’adaptabilité ne créerait-elle pas en soi de l’intelligence ? C’est une idée qui revient parfois.

Prenons par exemple une personne dyslexique ou dyspraxique. Puisqu’elle n’a pas pu développer certaines capacités, elle a dû en général mettre en place d’importantes stratégies de compensation. Cette nécessité de flexibilité l’a-t-elle alors poussée à développer davantage ses connexions neuronales fluides ? L’hypothèse est de plus en plus émise, mais on manque encore de données pour en tirer des conclusions solides.

Conclusion

Les personnes concernées par le HPI, l’autisme ou encore le TDAH sont parfois considérées comme rigides dans leurs fonctionnements. Mais leur différence les a poussées à devoir développer des capacités d’adaptation, en particulier dans la sphère sociale. Si ces capacités leur permettent de « jouer le jeu » et de faire usage de leur intelligence atypique, elles ont aussi parfois un coût psychologique.

Reste que l’adaptabilité semble bel et bien être un signe d’intelligence, et que notre capacité à résoudre des problèmes et prendre en compte des paramètres s’exprime dans des domaines particulièrement variés.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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4 commentaires sur L’adaptation : le super-pouvoir des personnes atypiques ?