« Je pense trop ! », « Je me prends trop la tête. » « Je n’arrive jamais à me décider ». Si vos pensées vous encombrent et que vous n’arrivez pas à faire cesser le petit moulin qui tourne dans votre cerveau, vous êtes peut-être sujet à l’overthinking. D’autant plus que les personnes neuroatypiques y sont particulièrement prédisposées. Alors qu’est-ce que cela veut dire et comment faire pour vivre un peu plus en paix avec ses pensées ?

Overthinking, rumination mentale

« Overthinking » : je réfléchis trop !

L’« overthinking », c’est penser à un sujet de manière excessive, parfois obsessionnelle, sans que cela nous apporte quelque chose. L’on « rumine » sur des problématiques, des questionnements, sans que la situation le nécessite, ou sans que cela nous apporte de solution.

En anglais, on parle aussi parfois d’« analysis paralysis ». Cela survient lorsqu’une personne est « paralysée » dans une phase d’analyse, et qu’elle continue de réfléchir sans parvenir à se mettre en action.

Une personne ayant des tendances à l’« overthinking » pourra donc se mettre en difficulté, car elle ne parviendra pas à saisir des opportunités ou à se décider. Par exemple, elle passera à côté d’une promotion, car elle aura pris trop de temps à peser le pour et le contre. Elle ne parviendra pas à avoir une conversation fluide, car elle réfléchira au moindre texto, écrivant puis réécrivant le même message. Avant de dormir, elle passera du temps à revivre et analyser les événements d’une journée, revenant sur ce qu’elle aurait pu faire de mieux.

Cela peut donc impacter tous les domaines de la vie, du choix de l’achat d’une maison, jusqu’au choix d’une viennoiserie à la boulangerie. Et cela complexifie logiquement les relations, puisque les « overthinkers » se sentiront crispés, intellectualisant tout plutôt que de se laisser porter.

Car malgré ce que son nom indique, « l’overthinking » (littéralement « trop-penser ») n’est pas toujours une question de trop penser, mais parfois de mal penser… Ou tout du moins d’utiliser des ressources excessives pour des processus qui ne demanderaient en soi pas tant de réflexion.

Peu d’études sont disponibles sur ce sujet – qui a beaucoup en commun avec l’anxiété, comme on va le voir. L’une d’entre elles, publiée en 2003 par une Université du Michigan, estimait cependant que 73 % des personnes de 25 à 35 ans avaient tendance à être des « overthinkers ». La tendance allait par ailleurs en s’inversant avec l’âge : seulement 20 % des 65 à 75 ans rapportaient souffrir d’« overthinking ». Dans l’ensemble, les femmes semblaient plus atteintes, avec 57 % d’entre elles, contre 43 % chez les hommes.

Pourquoi réfléchit-on à l’excès ?

Pourquoi a-t-on donc ce sentiment de réfléchir « trop », d’être encombré par des ruminations qui nous échappent ? La première chose que l’on peut noter, c’est que quand on réfléchit beaucoup, on a l’impression d’avoir le contrôle d’une situation, et de pouvoir tout anticiper. L’« overthinking », c’est donc souvent un moyen de contrôler notre environnement, de nous rassurer sur le fait que ce qu’il se passe autour de nous ne nous échappe pas. C’est donc l’inverse du lâcher-prise !

Ce que cela sous-entend aussi, c’est que les personnes qui pensent trop ont souvent très peur de faire des faux pas et d’échouer. En tentant de prendre en compte tous les aspects d’une situation, ils ont l’impression de la maîtriser et de moins se mettre en danger émotionnellement. Cela peut fonctionner, mais seulement dans une certaine mesure : l’être humain ne peut en effet rien contre l’aspect aléatoire de la vie !

La « surréflexion » est aussi souvent basée sur une hypervigilance. L’hypervigilance, c’est une anticipation de menaces ou de dangers, une surveillance de l’environnement. Une personne hypervigilante pourra ainsi repérer les issues de secours et sorties dans un nouvel environnement, surveiller les personnes qui arrivent pour se préparer à toutes les éventualités, et anticiper tous les dangers dans un espace.

Les personnes neuroatypiques : des « overthinkers » chroniques ?

Les personnes neuroatypiques souffrent très souvent d’anxiété, et présentent généralement un besoin de tout comprendre pour s’apaiser. Vous le devinez, ils sont donc en général de très bons candidats à l’overthinking. Chez les personnes HPI, faire cesser le petit moulin qui tourne dans le cerveau et qui se fixe sur des sujets divers peut être compliqué.

Quant aux personnes autistes, elles sont souvent en suradaptation face à des situations ou codes sociaux qu’elles doivent intellectualiser, ce qui favorise aussi les boucles de pensée. Cela peut également se retrouver chez les profils TDAH, qui sont parfois sujets aux pensées obsessionnelles. Et pour les dys, ils ont souvent appris que réfléchir à une situation à l’excès peut les aider à compenser certaines difficultés.

Ce que cela veut dire, c’est que l’« overthinking » ne survient pas sans raison. C’est un système de défense qui vient en général tenter d’apaiser une anxiété, ou qui peut permettre à la personne d’avoir un sentiment de contrôle sur sa situation. Mais le fait de trop réfléchir n’a pas que des avantages, loin de là.

Les conséquences de l’« overthinking »

Quelles sont alors les conséquences négatives de l’« overthinking » ? En premier lieu, l’on peut rappeler que si on est dans sa tête, à réfléchir, on n’est pas dans l’instant présent. Les personnes qui anticipent tout, qui font sans cesse de liens ou qui ne parviennent pas à se décider, ne parviennent pas non plus à profiter de moments simples. Cela a donc une conséquence sur notre équilibre émotionnel.

Une personne qui pense trop pourra aussi être indécise : elle aura besoin de faire le tour des idées et des réflexions générées avant de pouvoir prendre une décision. Sauf que ce sera le cas pour toutes les décisions, qu’il s’agisse d’acheter une voiture ou de choisir entre un pain au chocolat et un croissant !

Penser à l’excès, cela consomme aussi des ressources mentales conséquentes, qui pourraient être utilisées pour des processus plus agréables, ou plus productifs. Au final, on peut se bloquer sans réellement résoudre ses problématiques, que cela soit dans le domaine personnel ou professionnel.

Enfin, lorsqu’on a cette tendance, on peut devenir agaçant pour nos proches, qui souhaiteraient avoir une conversation avec nous sans que nous partions dans des montagnes d’intellectualisation… Ou qui voudraient passer moins d’un quart d’heure à choisir les plats au restaurant ! L’overthinking peut donc jouer sur nos relations.

Encore une fois, peu d’études sont disponibles sur ce sujet précis, mais celle que nous citions plus haut montrait que les effets de l’overthinking sont palpables, et peuvent mener à des troubles liés :

« Les overthinkers sont nettement plus susceptibles d’abuser de drogues ou d’alcool, et la tendance à trop réfléchir pourrait conduire certains individus à envisager le suicide. »

Overthinking et anxiété

Il faut cependant noter que cette étude est datée, et que les symptômes décrits seraient sans doute classifiés dans l’anxiété, la dépression, ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) de nos jours. L’« overthinking » n’est donc pas une réelle catégorie de trouble, mais plutôt une manière de fonctionner, liée à certains profils ou pathologies.

C’est justement l’objet d’une étude de 2016, qui expliquait que la simple phrase « je pense trop » cachait parfois des problèmes psychiatriques ciblés :

« Les expressions telles que “je pense trop” font référence à des états pathologiques et non pathologiques, et pas à une construction psychiatrique unique. »

Pour résumer, l’« overthinking » n’est pas un diagnostic ni un trouble en soi, mais c’est souvent un symptôme de quelque chose de plus vaste, notamment de l’anxiété.

Suis-je un « overthinker » ?

Comment alors savoir si l’on pense « trop » ? Le premier indice, c’est que notre cerveau peut nous paraître envahissant. On se sent souvent indécis, et nos proches nous ont signalé – gentiment ou non – que l’on réfléchissait trop, qu’on se « prenait la tête ». Voici une liste de caractéristiques dans lesquelles on peut se reconnaître :

  • J’ai besoin de tout comprendre d’un sujet avant de prendre une décision
  • Je suis frustré. e parce que je n’arrive pas à me décider aussi vite que les autres
  • Choisir un cadeau pour une personne que j’aime est très angoissant pour moi
  • Je suis déjà passé. e à côté d’opportunités par indécision
  • Cela me soulage quand quelqu’un prend une décision à ma place, ou quand on me dit quel choix est le meilleur…
  • … Mais cela m’angoisse de voir que mon entourage ne prend pas en compte toutes les informations
  • J’ai l’impression d’avoir un petit moulin dans la tête qui ne s’arrête jamais
  • J’ai dû mal à m’endormir, car je construis des raisonnements, des scénarios pour résoudre des problématiques
  • Je voudrais acheter une maison, changer de travail, déménager… Mais je me sens paralysé. e par toutes les informations à prendre en compte

Si vous êtes un overthinker, vos proches vous ont peut-être déjà fait remarquer que vous aviez du mal à vous détendre, et que vous aviez un petit côté « girouette ». Comme souvent, c’est l’impact sur votre quotidien et votre bien-être qui pourra vous dire si vous pensez trop !

Overthinking : canaliser notre capacité de réflexion

Comment s’assurer alors de penser « bien » et de ne pas trop se laisser entraîner par notre petit moulin d’indécision ? Tout d’abord, comme on l’a vu, en gérant sa santé mentale. Si nos ruminations et réflexions ont un impact sur notre prise de décision et notre sommeil, si tout cela nous paralyse, c’est souvent signe d’une problématique plus large. Consulter est donc un bon point de départ.

Ensuite, il faut apprendre à lâcher prise mentalement. Cela permet de distinguer les moments où il est approprié de se faire des nœuds au cerveau des moments où l’on peut se reposer. Cela passe souvent par une réévaluation de ses priorités. Avec une question : si j’ai l’impression de devoir tout anticiper constamment, ne serait-ce pas aussi parce que j’ai trop de choses dont je dois m’occuper ?

Comme toutes les problématiques liées à l’anxiété, se connecter à l’instant présent est aussi un moyen efficace de faire cesser ses boucles de pensée. Pour cela, diverses techniques, de la pleine conscience à la méditation, en passant par le yoga, peuvent être appropriées.

Ce qu’il faut donc retenir, c’est qu’à partir du moment où nos pensées – qu’elles soient productives ou non ! – nous causent de la souffrance, car on se sent envahi, c’est qu’il y a un déséquilibre. Souvent, se forcer ne suffit bien sûr pas, et se faire accompagner pour mieux canaliser ses pensées peut être approprié.

Publié par Cam

Journaliste HPI/TSA à la recherche du mot juste et d'un monde plus ouvert à la différence. Créatrice du podcast Bande d'Autistes !
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6 commentaires sur Overthinking : pourquoi réfléchir trop est parfois néfaste