Être haut potentiel intellectuel (HPI) sans le savoir est quelque chose de courant, et nombreux sont les adultes qui se découvrent sur le tard. Lorsqu’on n’a pas été « enfant surdoué », on peut parfois avoir du mal à digérer cette nouvelle identité, et ce nouveau regard porté sur le monde. Zoom sur ces adultes HPI qui se sont découverts tardivement.
Une idée reçue courante est que les personnes qui présentent une intelligence plus élevée que la moyenne en sont conscientes. En réalité, beaucoup de personnes présentant un haut potentiel intellectuel (HPI) ignorent tout de leurs fonctionnements particuliers. Beaucoup doutent aussi d’eux-mêmes et pourront remettre en cause leur intelligence, même après avoir été détecté !
Il faut dire que les représentations populaires des « surdoués », comme on les appelait encore récemment, n’aident pas à se faire une idée juste. Ils sont souvent présentés comme des petits génies, aux connaissances tentaculaires, capables de résoudre tous les problèmes qui s’offrent à eux. Mais quand on est HPI en échec scolaire, qu’on pratique un métier non intellectuel ou quand on a l’impression d’être à l’écart, il peut être difficile de se rendre compte de sa particularité.
Pourtant, 2 % de la population possède ces capacités « hors-normes ». Le quotient intellectuel (QI), c’est en effet avant tout une affaire de moyenne. Et l’intelligence est quelque chose de multiple. Cela veut dire qu’on peut très bien être nul en mathématiques et HPI. À l’inverse, on peut avoir une maîtrise de la langue exceptionnelle… Mais être dans la moyenne, voire en dessous quand il s’agit de résoudre des puzzles visuels.
C’est par ailleurs souvent le cas chez les personnes qui sont autistes ou qui présentent un TDAH, et qui ont en plus un HPI associé. Leur haut potentiel masque leurs difficultés, qui sont pourtant bien présentes. Résultat : on ne voit parfois ni l’atypie de fonctionnement, ni le HPI. C’est pourquoi la détection est souvent un choc pour les personnes concernées. « Moi, intelligent.e ? Mais comment est-ce possible ? »
Les conséquences d’une reconnaissance tardive du HPI ne se résument par ailleurs pas à de la confusion et des doutes. Pour les personnes qui fonctionnent différemment, le décalage peut être source d’une souffrance marquée. Voire, les HPI peuvent se convaincre qu’ils sont plus bêtes que la moyenne !
Les études ne sont pas toujours conclusives et se contredisent parfois à ce sujet, mais il semblerait qu’il y ait une plus forte prévalence de l’anxiété chez les adultes HPI non conscients de leurs particularités. Cela serait aussi le cas des troubles dépressifs. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que porter un masque social est très coûteux en termes d’énergie, et que plus l’on masque, plus on a tendance à avoir des troubles psychiques associés.
Se découvrir HPI est donc un enjeu pour la santé mentale, autant que pour le confort de vie quotidienne des personnes concernées. D’autant plus que savoir comment l’on fonctionne permet de faire de meilleurs choix dans de vastes domaines de sa vie.
Être HPI sans le savoir peut conduire à des tensions au travail. En effet, les « zèbres » comme on les appelle communément souffrent souvent d’un syndrome de l’imposteur. Ils accèdent parfois à des postes et à des responsabilités grâce à leur adaptabilité, mais sans nécessairement avoir les diplômes ou l’expérience communément requise.
De là naît parfois la vague sensation qu’on a réussi à tromper le monde, et qu’on a accédé à un poste qu’on ne mérite pas réellement. Avec une pensée courante : « Ils ne savent pas que je ne suis pas réellement compétent/intelligent ! ». Dans la réalité, si une personne occupe un poste, cela n’est en général pas pour rien, d’autant plus si nos supérieurs sont satisfaits de notre travail. Mais les HPI, si perfectionnistes, peuvent surestimer les connaissances et expériences nécessaires pour se considérer comme un expert.
C’est par ailleurs un autre point d’achoppement : ce fameux perfectionnisme. Une personne HPI aura tendance à voir le monde de manière systémique, c’est-à-dire qu’elle comprendra instinctivement comment les entreprises, les groupes sociaux s’articulent. Comment les tensions se créent aussi et comment améliorer les processus.
Sauf que dans des entreprises, chercher à constamment améliorer les processus peut être vu comme quelque chose d’agaçant… Voire un signe d’insubordination ! Les personnes présentant un haut potentiel peuvent alors être considérées comme tatillonnes. On leur reproche de se plaindre trop, de ne pas laisser les choses se faire… Alors qu’elles cherchent simplement à améliorer leur environnement.
L’autre risque, c’est le « papillonnage ». Les personnes HPI se lassent en effet souvent plus rapidement et ont l’impression de tourner en rond si elles ne rencontrent pas de nouvelles problématiques ou de nouvelles connaissances. Lorsqu’on n’est pas détecté, on peut ainsi avoir l’impression de ne pas réussir à se « poser » et à toujours finir par s’ennuyer au travail.
Bien que le HPI soit largement considéré comme un avantage cognitif, il peut parfois mener à des difficultés en termes de relations. Il faut en effet rappeler que les personnes présentant un haut potentiel sont souvent hyperémotives ou hypersensibles.
Les profils HPI sont en effet parfois hypersensibles au rejet, et les petits désaccords et autres disputes peuvent susciter de très fortes émotions. Si l’on ne sait pas qu’on est hypersensible, on pourra alors penser qu’on « en fait trop » ou qu’on est trop susceptible.
L’autre aspect qui peut peser sur les relations amicales ou amoureuses des personnes HPI non détectées, c’est encore une fois la recherche de perfection. Il n’est pas rare de voir des « surdoués » traiter leurs relations comme des projets, établissant ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et mettant en place des stratégies pour améliorer les choses.
Sur le papier, c’est très bien, mais dans la réalité, cela peut fatiguer certains proches qui aimeraient profiter plus de l’instant présent. De la même manière, l’infatigabilité intellectuelle des personnes HPI peut parfois être source de tensions. Notre conjoint.e n’a peut-être pas envie d’entendre parler de géopolitique au réveil, et nos collègues voudraient bien pouvoir discuter de la météo sans se lancer dans un exposé sur le réchauffement climatique !
Les conséquences sont donc bien réelles quand on n’a pas encore apprivoisé ses particularités de fonctionnement. Selon une enquête de Mensa France, une grande partie des adultes HPI rapportent des difficultés significatives dans leurs relations personnelles, souvent dues à des différences de communication et de perception.
Vous l’aurez compris, se faire détecter à l’âge adulte n’est donc pas un caprice. Cela peut permettre de regonfler une estime de soi malmenée par des années passées à se sentir en décalage. Mais aussi, cela permet de mieux accepter ses particularités et ses « bizarreries » éventuelles. Une étude de 2019 montrait ainsi que les étudiants qui connaissaient leur HPI rapportaient une meilleure prise en charge de leur individualité.
Pour beaucoup, la découverte de son HPI peut être un point de départ pour une réorientation professionnelle ou scolaire. En prenant en compte son individualité et en se débarrassant de son masque social, il est plus aisé de faire des choix bénéfiques pour sa santé mentale et l’équilibre de son avenir.
Par ailleurs, l’accompagnement de professionnels est plus adapté si une personne HPI a été détectée. De nombreux psychiatres, psychologues ou autres professionnels sont en effet spécialisés dans ce domaine, et adaptent leurs pratiques à ces profils particuliers.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, accepter que l’on est haut potentiel n’est pas forcément une étape facile. Beaucoup de personnes concernées rapportent en effet des remous émotionnels qui surviennent après qu’elles aient été identifiées comme tel.
Ces profils HPI identifiés sur le tard ressentent en effet un sentiment de gâchis de leur potentiel. Lorsqu’on apprend cette nouvelle à un âge avancé, on peut regretter de ne pas avoir essayé certaines études, parcours professionnels ou projets, car on ignorait ses propres capacités. D’où une phrase qui revient souvent : « Si j’avais su ! J’aurais fait les choses autrement… »
La colère est également fréquente. On peut en vouloir aux enseignants qui n’ont rien remarqué, ou à nos proches qui nous ont peut-être convaincus que nous n’étions pas intelligents. Cette découverte bouleverse souvent toute une vie et remet en question de nombreuses expériences passées.
Il est donc recommandé de prendre le temps d’assimiler cette nouvelle. La découverte de son HPI peut être un point de départ pour mieux prendre soin de soi et écouter ses besoins.
Les personnes HPI utilisent souvent, consciemment ou non, un « faux-self ». Ce concept, développé par Donald Woods Winnicott dans les années 1950, désigne un masque social adopté pour mieux s’adapter à son environnement, dissimuler ses particularités et savoir quoi dire en société.
Ce masque permet de discuter de banalités dans des situations sociales (les fameuses discussions sur la météo !), de prétendre être sûr de soi en réunion, de réussir un entretien d’embauche malgré sa grande nervosité, ou de s’adapter aux normes sociales dès l’enfance.
Bien que l’être humain en général utilise un masque social, pour les HPI, ce faux self devient un mécanisme de défense essentiel, permettant de se conformer à des conventions souvent inadaptées à eux. Mais le danger, c’est qu’il devient parfois difficile de distinguer ce masque de sa véritable personnalité.
Par ailleurs, porter un masque social trop longtemps a des conséquences néfastes sur la santé mentale. Les souffrances longtemps contenues peuvent se manifester autrement, par la somatisation, l’anxiété généralisée, ou des périodes dépressives.
Abandonner le faux self est donc crucial pour vivre en accord avec soi-même et préserver sa santé mentale. Pour ceux ayant vécu des décennies ainsi, il peut être difficile de se redécouvrir. L’aide d’un professionnel est souvent nécessaire pour réapprivoiser cette part de soi longtemps réprimée.
À un moment donné, la question de révéler son HPI se pose. À qui le dire et pourquoi ? La crainte de paraître arrogant ou confus est courante. Le HPI est souvent mal compris, et l’on n’a parfois pas envie de devoir faire un petit cours sur la neuroatypie aux personnes à qui l’on se révèle.
Cependant, il peut être important d’en parler pour mieux répondre à ses besoins spécifiques. Au travail ou en famille, dire « Je suis HPI » permet de justifier des besoins de calme, de repos, ou de reconnaissance des émotions. Cela aide aussi à réduire la culpabilité et à mieux accepter son fonctionnement atypique.
Pour d’autres, le syndrome de l’imposteur, fréquent chez les HPI, peut freiner cette révélation. Accepter et révéler son haut potentiel implique souvent un travail d’acceptation de soi et de ses forces. Pour les relations les plus proches (conjoint.es, amis…), se démasquer peut être aussi effrayant que bénéfique.
Le HPI est souvent présent dans des familles où plusieurs membres sont concernés. Parfois, un parent découvre son propre HPI lors du parcours de soin de son enfant. On peut alors soupçonner que d’autres proches soient également HPI. Il n’est pas rare de découvrir que ses meilleurs amis, ses cousins préférés, ses parents… Sont eux aussi concernés par un haut potentiel.
Mais attention à la précipitation. Il est conseillé de prendre le temps d’intégrer sa propre neuroatypie avant d’aborder celle des autres. Après tout, seul un test de QI peut déterminer si une personne est concernée.
Si des doutes persistent, on peut en parler délicatement au proche qui nous paraît concerné… Ou laisser des articles consacrés au sujet à portée de main ! Mais il convient de respecter le rythme de la personne, qui n’est pas forcément disposée à aller explorer son mode de fonctionnement.
La reconnaissance du HPI, même tardive, est donc un enjeu clef pour la santé mentale et l’équilibre des personnes concernées. Idéalement, les personnes présentant un haut potentiel devraient être décelées tôt, dès l’école. Pour cela, des politiques publiques ambitieuses de détection devraient être mises en place.
On l’a vu, se découvrir HPI sur le tard peut être source d’émotions fortes et de bouleversements. Mais quand on connaît sa particularité, on est à même de faire des choix plus adaptés à ses besoins, et surtout de se faire confiance. Déceler les personnes HPI le plus tôt possible est donc un réel enjeu, qui apporte de vrais avantages pour les personnes concernées.
66 commentaires sur Se découvrir HPI sur le tard : comprendre, accepter, avancer