Alors que l'accès au diagnostic pour des troubles comme l'autisme ou le TDAH reste complexe, l'auto-diagnostic apparaît comme une solution pour beaucoup. Face aux délais d'attente pour obtenir un diagnostic, beaucoup s’appuient sur des ressources en ligne et des témoignages personnels pour explorer leur fonctionnement et valider leurs ressentis. Mais si l'auto-diagnostic peut offrir des réponses, il soulève aussi des questions : peut-on vraiment se comprendre sans le regard d'un professionnel ? Cet article explore cette double facette – entre quête de sens et risques d’erreurs.
Les neuroatypies comme l’autisme et le TDAH sont complexes et se manifestent de manière diverse, rendant leur reconnaissance difficile pour le grand public. Dans ce contexte, l’auto-diagnostic devient une solution pour ceux qui cherchent à mieux comprendre leurs particularités, surtout lorsque l’accès aux soins est freiné par des délais, des coûts élevés, ou la complexité du parcours clinique. Face à ces obstacles, l’auto-diagnostic apparaît comme un moyen de trouver des réponses là où le système de soins n’en propose pas immédiatement.
Concrètement, l’auto-diagnostic répond à plusieurs besoins essentiels pour les personnes qui se questionnent sur leur neurodivergence :
Compréhension de soi : L'auto-diagnostic permet aux individus de mettre des mots sur des expériences ou comportements souvent incompris, parfois depuis l’enfance. Cette démarche leur offre un cadre de référence pour interpréter des difficultés, des particularités ou des différences dans leur façon de penser et de ressentir.
Validation personnelle : L’auto-diagnostic apporte souvent un soulagement en validant des ressentis ou comportements qui, jusqu’alors, pouvaient paraître isolants ou « anormaux ». En s’identifiant à des traits spécifiques d’autisme ou de TDAH, les individus trouvent une explication à leurs difficultés, ce qui peut réduire l’autostigmatisation et augmenter l’estime de soi.
Accès à une communauté de soutien : En reconnaissant des traits communs avec des communautés en ligne, l’auto-diagnostic permet aux individus de se connecter avec d’autres personnes ayant des parcours et ressentis similaires. Cette connexion peut alléger le sentiment de solitude et offrir du soutien, des conseils et une meilleure acceptation de soi.
Préparation à une démarche clinique : Pour ceux qui envisagent un diagnostic formel, l’auto-diagnostic sert souvent de première étape. En identifiant et en documentant leurs observations, les individus se sentent mieux préparés à consulter un professionnel, en structurant leurs attentes et en posant des questions plus spécifiques.
Soulagement face à l’errance diagnostique : Pour certains, le parcours de soins est long, coûteux ou peu adapté, notamment pour des profils atypiques comme les femmes ou les adultes. L’auto-diagnostic devient alors une alternative en réponse à ce manque d’accès aux soins, permettant de pallier une absence de réponses immédiates.
Les spécificités de l'autisme et du TDAH poussent ainsi de nombreuses personnes vers l'auto-diagnostic, en raison des difficultés à obtenir des réponses claires dans le système de soins formel. Certaines formes d'autisme, notamment chez les femmes, se manifestent de façon plus subtile et diffèrent des stéréotypes connus, compliquant leur reconnaissance. De même, les symptômes du TDAH chez les adultes peuvent facilement être confondus avec d’autres conditions comme le stress chronique. Dans ces cas, l’auto-diagnostic peut représenter une première étape vers une meilleure compréhension de soi.
Face à la montée de l'auto-diagnostic, plusieurs outils d'auto-évaluation pour l'autisme et le TDAH sont devenus accessibles. Bien qu'ils soient utiles pour sensibiliser et initier une réflexion, ils comportent également des limites, notamment en termes de faux positifs et de malentendus sans évaluation clinique.
World Health Organization Adult ADHD Self-Report Scale (ASRS)
Ce test, largement utilisé pour le TDAH, présente une bonne fiabilité et une corrélation élevée avec les diagnostics cliniques, en particulier chez les adolescents et les adultes. Cependant, sans évaluation professionnelle, les résultats peuvent être interprétés de manière erronée, en particulier en présence de symptômes similaires à d’autres troubles (Kessler et al., 2007).
Autism-Spectrum Quotient (AQ)
Le Autism-Spectrum Quotient (AQ) est utilisé pour dépister les traits autistiques chez les adultes. Bien qu'il ait une bonne sensibilité (77%), sa spécificité est faible (29%), ce qui signifie qu'il risque de donner des faux positifs, notamment pour des individus ayant de l'anxiété ou d'autres troubles comorbides (Ashwood et al., 2016).
Ritvo Autism Asperger Diagnostic Scale-Revised (RAADS-R)
Le RAADS-R est un questionnaire d’auto-évaluation spécifique pour les adultes qui suspectent des traits du spectre autistique. Cet outil est souvent utilisé en complément d’autres tests pour les adultes ayant des traits atypiques. Bien que fiable pour sensibiliser et détecter des traits de l’autisme chez des personnes non diagnostiquées, le RAADS-R peut donner des faux positifs, notamment en présence de troubles de santé mentale co-occurrents tels que l’anxiété ou la dépression. En raison de cette limite, les experts recommandent une interprétation prudente et une validation par des professionnels.
Le Test NeuroAtypi© Atypikoo
Le test d'auto-évaluation NeuroAtypi© est conçu pour aider les individus à déterminer s'ils peuvent être concernés par une forme de neuroatypie (TSA, TDAH, DYS). Ce test ne remplace pas un diagnostic formel mais constitue une première approche pour ceux qui se reconnaissent dans des caractéristiques neuroatypiques. En obtenant une évaluation préliminaire, les individus peuvent se sentir plus confiants pour consulter un professionnel afin de confirmer ou approfondir cette évaluation.
Les réseaux sociaux, en particulier des plateformes comme TikTok, jouent un rôle clé dans la popularisation des concepts de neurodivergence. Grâce à des formats courts et percutants, des créateurs y partagent leurs expériences personnelles de troubles comme l'autisme et le TDAH, permettant à un large public de s’identifier à des symptômes et comportements spécifiques. En rendant ces témoignages accessibles et souvent visuels, TikTok et d’autres plateformes facilitent la prise de conscience de ces troubles et incitent de nombreuses personnes à envisager l'auto-diagnostic.
Pour beaucoup, ces plateformes constituent une introduction aux concepts de neurodivergence. En découvrant des créateurs qui parlent ouvertement de leurs symptômes, certains individus peuvent se reconnaître dans ces récits et se poser des questions sur leur propre fonctionnement. Cette identification peut déclencher une prise de conscience et motiver une exploration plus approfondie, que ce soit en ligne ou en consultant des professionnels de santé.
Cependant, la diffusion de contenu sur TikTok présente aussi des risques, notamment la simplification excessive des symptômes et la sur-généralisation des diagnostics. En effet, le format limité de TikTok ne permet pas toujours de fournir des explications nuancées. De plus, des comportements communs comme l'anxiété, la fatigue ou la distraction peuvent être interprétés par certains utilisateurs comme des signes de TDAH ou d’autisme, sans validation clinique. Cette simplification peut encourager des auto-diagnostics erronés et une identification excessive à des troubles non confirmés. Une étude souligne également que ces réseaux peuvent renforcer des perceptions incorrectes par l’effet de similarité sociale, où les individus se reconnaissent dans les expériences des autres sans prendre en compte les nuances diagnostiques.
Les réseaux sociaux, tout en jouant un rôle important dans la sensibilisation aux troubles neurodéveloppementaux, doivent être utilisés avec prudence pour éviter le risque de confusion et de désinformation. L’auto-diagnostic basé sur des contenus en ligne doit idéalement être suivi par une évaluation clinique, afin d’obtenir des réponses précises et adaptées.
Bien que l'auto-diagnostic puisse constituer une première étape vers la compréhension de soi, il comporte des risques importants à considérer :
Risques d'erreurs et de sur-diagnostic : L’auto-diagnostic peut induire des erreurs, car de nombreux symptômes associés à l'autisme et au TDAH se recoupent avec d'autres troubles. Par exemple, l'ADOS-2, un outil de référence pour le diagnostic de l'autisme, présente un taux élevé de faux positifs dans des contextes psychiatriques complexes (Maddox et al., 2017).
Impact sur la santé mentale : Un auto-diagnostic erroné peut aggraver l'anxiété ou conduire à une auto-stigmatisation. Certaines personnes peuvent également s'identifier excessivement à un trouble qu'elles n'ont pas, ce qui peut affecter leur bien-être et leur perception d’elles-mêmes.
Les professionnels soulignent souvent que l'auto-diagnostic, bien qu’utile pour initier une démarche, ne remplace pas une évaluation clinique approfondie. Cependant, ils reconnaissent que le besoin de compréhension de soi peut encourager certaines personnes à y recourir, surtout face à l’errance diagnostique.
Nombre de patients se retrouvent face à des professionnels peu formés aux spécificités des troubles neurodéveloppementaux, ce qui complique la détection des formes atypiques d'autisme, notamment chez les femmes, ou du TDAH chez les adultes. Une étude montre d'ailleurs que de nombreux praticiens estiment que le manque de ressources spécifiques contribue aux surdiagnostics ou aux diagnostics incorrects.
Ainsi, la formation continue des professionnels sur les spécificités de l’autisme et du TDAH, en particulier dans les cas atypiques, est cruciale. Cela permettrait aux praticiens de mieux distinguer les symptômes, de limiter le recours excessif à l'auto-diagnostic, et de garantir une prise en charge plus adaptée dès la première consultation.
L'auto-diagnostic répond à un besoin profond de compréhension et de validation personnelle, et il peut représenter une étape précieuse pour amorcer une démarche vers un diagnostic formel, en particulier face aux obstacles du système de soins. Cependant, cette démarche comporte des limites et des risques, notamment ceux de surdiagnostic et d’erreurs, qui peuvent affecter la santé mentale de l’individu. En fin de compte, seul un diagnostic clinique peut offrir une réponse complète et un accompagnement adapté, soulignant l’importance de consulter des professionnels pour garantir une prise en charge fiable et appropriée.
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