Depuis quelques années, le sujet des HPI est devenu un véritable sujet de société. Présenté tantôt comme un atout, tantôt comme une source de mal-être, il alimente des débats passionnés et, parfois, des stéréotypes réducteurs.

Ces discussions, souvent influencées par des idées reçues, simplifient une réalité qui demande au contraire subtilité et recul. Qui sont réellement les HPI ? Quelles difficultés rencontrent-ils ? Ces questions méritent d’être explorées avec nuance, en évitant les généralisations et les affirmations définitives.

Dans cet article, je vous propose de prendre de la hauteur pour réfléchir aux nombreux stéréotypes qui entourent la douance et de mieux comprendre la réalité des HPI.

1. Les HPI réussissent toujours dans la vie

L'un des stéréotypes les plus répandus est que les personnes à Haut Potentiel Intellectuel sont destinées à exceller dans tous les domaines, qu’ils soient personnels ou professionnels. Pourtant, bien que la douance puisse offrir certains avantages, elle ne garantit pas le succès. D'autres facteurs, tels que la résilience émotionnelle, les compétences sociales, les opportunités et même la chance, jouent un rôle tout aussi crucial.

On suppose aussi, à tort, que les HPI excellent dans tous les domaines, y compris les sciences ou les mathématiques. Cependant, comme tout un chacun, ils peuvent rencontrer des difficultés dans des domaines qui ne correspondent pas à leurs intérêts ou talents spécifiques. Par exemple, des individus brillants dans des disciplines créatives peuvent avoir du mal avec des matières plus logiques ou pratiques.

Le parcours de J.K. Rowling illustre bien cette réalité. Avant de devenir l’auteure de Harry Potter, elle vivait dans une grande précarité, mère célibataire dépendant des aides sociales et confrontée à une profonde dépression. Malgré ces épreuves, elle trouvait refuge dans l’écriture, rédigeant son manuscrit dans des cafés tout en s’occupant de sa fille. Rejetée par 12 éditeurs, elle a persévéré jusqu’à ce que Bloomsbury accepte de publier son livre, transformant ses idées en un phénomène mondial. Son histoire montre que la réussite repose davantage sur la résilience et la détermination que sur un QI élevé.

Cela rejoint les recherches d’Angela Duckworth sur la "niaque", cette combinaison de passion et de persévérance qui s’avère souvent plus déterminante que l’intelligence pour réussir. Selon elle, la capacité à persévérer malgré les obstacles est un facteur clé de succès à long terme.

Cependant, une question demeure : les HPI ont-ils une prédisposition particulière à faire preuve de résilience et de persévérance, ces qualités essentielles à la réussite de leurs projets ?

2. Les HPI sont malheureux

Le mythe selon lequel les HPI pourraient ressentir un mal-être a été popularisé notamment par le livre de la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ?, qui explore le décalage émotionnel et intellectuel des personnes à haut potentiel. Ce titre évocateur, bien qu’impactant, tend à simplifier une réalité plus nuancée.

Cette idée est parfois amplifiée par un biais d’échantillonnage dans le domaine de la psychologie. En effet, les psychologues rencontrent principalement des HPI qui consultent pour des difficultés, comme l’anxiété ou le sentiment de décalage, et non ceux qui vivent pleinement leur potentiel sans souffrance particulière. Cette surreprésentation de HPI en souffrance dans les cabinets peut donner une image tronquée de la réalité. Tous les HPI ne vivent pas ce mal-être, mais ceux qui consultent contribuent à alimenter cette perception.

Ce biais se retrouve également dans certaines études, comme celle menée sur les membres de Mensa, qui a révélé une prévalence plus élevée de troubles psychologiques (anxiété, dépression) et physiologiques (allergies, maladies auto-immunes) parmi ses membres. Ces résultats, bien qu’intéressants, méritent d’être analysés avec nuance. En effet, l'étude repose sur un questionnaire d'auto-évaluation, un outil utile mais influencé par la perception subjective des participants. De plus, les membres de Mensa représentent un sous-groupe spécifique des HPI, ce qui limite la généralisation des conclusions.

Des recherches complémentaires, comme celles des chercheurs français Nicolas Gauvrit et Frank Ramus, offrent une perspective différente. Elles montrent que, lorsqu’ils bénéficient d’un environnement favorable et de relations sociales riches, les HPI rapportent souvent un bien-être supérieur à la moyenne. Ces travaux soulignent l'importance de l’inclusion sociale et de la connexion entre pairs.

Dans ce contexte, des réseaux comme Atypikoo ou le Mensa jouent un rôle essentiel en créant des espaces où les HPI peuvent échanger avec des personnes partageant un fonctionnement similaire. Ces initiatives aident à atténuer le sentiment d'isolement et de décalage ressenti par certains HPI, notamment les THPI.

Enfin, il est important de noter que la détection du HPI peut aider à mieux comprendre (et accepter) son fonctionnement. D'où l'importance de mettre des mots sur son fonctionnement, que l'on soit HPI, Hypersensible, ou bien neuroatypique.

3. Le potentiel intellectuel est inné

Un mythe courant est de considérer le Haut Potentiel intellectuel comme une caractéristique uniquement génétique et immuable, réduisant l'intelligence à un simple héritage biologique. Cependant, les recherches modernes montrent que l'intelligence résulte d'une interaction complexe entre prédispositions génétiques et facteurs environnementaux, tels que l'éducation, les expériences vécues, et l'effort personnel. Ainsi, le HPI est autant façonné par les opportunités que par les aptitudes innées.

Cela est soutenu par des modèles multidimentionnels comme ceux de Gagné et du modèle de Munich, qui mettent en lumière l'importance de l'environnement dans le développement des talents. En effet, des éléments tels que le soutien familial, les relations sociales et les ressources éducatives disponibles peuvent soit favoriser, soit freiner l’épanouissement des compétences.

Cette idée s'inscrit également dans le cadre de la neuroplasticité, qui montre que l'intelligence n’est pas figée. Un exemple frappant est celui de Helen Keller, qui a surmonté d’énormes difficultés grâce à un mentorat exceptionnel et à un environnement riche en stimuli, transformant ses limitations en forces remarquables.

D'autres études, comme celles de Ritchie et Tucker-Drob (2018), confirment que l'éducation joue un rôle crucial dans le développement des capacités cognitives. L’accès à un environnement stimulant permet aux enfants de développer des compétences bien au-delà de ce que leur patrimoine génétique pourrait prédire.

Les pratiques éducatives dans des pays comme la Corée du Sud ou Singapour illustrent l'impact des systèmes pédagogiques rigoureux. Ces approches, qui mettent l'accent sur les mathématiques et les sciences, montrent qu'une exposition à des méthodes adaptées peut considérablement améliorer les performances cognitives, même chez des enfants sans antécédents familiaux exceptionnels.

4. Être surdoué, c'est tout savoir

Un autre mythe autour des surdoués est qu’ils seraient des encyclopédies vivantes, capables de répondre à toutes les questions. Pourtant, cette vision simplifie à l’excès une réalité bien plus nuancée. Les études montrent que les HPI se distinguent moins par une accumulation de connaissances que par leur curiosité insatiable et leur capacité à établir des connexions complexes entre des idées variées.

Les psychologues différencient l'intelligence fluide, qui permet de résoudre de nouveaux problèmes et de s’adapter rapidement, de l'intelligence cristallisée, liée aux connaissances acquises. Les HPI excellent souvent davantage dans l’intelligence fluide, développant des solutions innovantes plutôt que se contentant de mémoriser des faits. Par exemple, Richard Feynman, physicien et vulgarisateur, était reconnu non pas pour sa maîtrise encyclopédique, mais pour sa capacité à reformuler des problèmes complexes de manière accessible et à trouver des solutions inédites.

De même, dans des domaines plus contemporains, des créateurs comme Phoebe Waller-Bridge, auteure de la série Fleabag, incarnent cette intelligence fluide. Son succès repose sur une capacité à observer des dynamiques humaines complexes et à les retranscrire avec une profondeur et une subtilité qui captivent. Ces exemples montrent que les HPI ne "savent pas tout", mais brillent souvent là où leur intérêt et leur créativité s’entrelacent.

Cependant, cette spécialisation peut parfois donner une fausse impression d’omniscience dans certains contextes, tout en révélant des lacunes dans d’autres. Un HPI peut exceller dans des domaines captivants pour lui, comme l’aéronautique, tout en ayant des difficultés dans des compétences pratiques comme la cuisine ou les travaux manuels. Cela reflète leur inclination naturelle à approfondir leurs passions plutôt qu’à viser une connaissance universelle.

En parallèle, cette curiosité et cette quête de perfection s’accompagnent souvent d’une grande humilité intellectuelle. Les HPI sont souvent conscients de l’étendue de ce qu’ils ignorent, ce qui les pousse à remettre en question leurs propres connaissances. Paradoxalement, cette humilité peut également nourrir un syndrome de l’imposteur. Nombreux sont les HPI qui, bien qu’accomplis dans leur domaine, se sentent illégitimes face à leurs succès. Ce sentiment, alimenté par des attentes élevées envers eux-mêmes, illustre le décalage fréquent entre leur perception intérieure et l’image qu’en ont les autres.

5. Les HPI sont des ermites

Le mythe du "génie solitaire" est solidement ancré dans l’imaginaire collectif. Cette image romantique de l’individu isolé, absorbé par ses pensées ou son art, nourrit l’idée que les surdoués seraient naturellement enclins à l’isolement.

Mark Zuckerberg illustre bien cette dynamique. Lorsqu’il a créé Facebook, il s’est plongé dans une immersion totale, passant de longues semaines seul pour concevoir sa plateforme. Ce choix, marqué par une intense hyperfocalisation sur son projet, s’est souvent fait au détriment de ses relations sociales, allant même jusqu’à mettre fin à une relation amoureuse de l’époque pour se consacrer pleinement à son objectif.

Cependant, réduire les HPI à cette image d’ermites manque de nuance. Bien qu’ils recherchent volontiers la solitude pour nourrir leur réflexion, leur créativité ou leurs passions, ils aspirent tout autant à des relations sociales enrichissantes. Leur quête d’authenticité les pousse à privilégier des connexions profondes et stimulantes, éloignées des interactions superficielles. C’est d'ailleurs dans cet optique que des initiatives comme Atypikoo ou Mensa ont émergé, créant des espaces où les HPI peuvent échanger librement, se retrouver entre pairs et cultiver des relations qui répondent à leurs attentes singulières.

Ainsi, les HPI ne sont pas des ermites, mais des individus en quête de qualité dans leurs relations. Ils apprécient les échanges enrichissants, qui dépassent les conventions sociales et répondent à leur besoin d’authenticité et de stimulation intellectuelle.

6. Les HPI n'ont pas besoin d'aide

On suppose souvent que les HPI, grâce à leurs capacités intellectuelles, peuvent gérer toutes les situations sans avoir besoin de soutien extérieur. Cette perception repose sur l’idée erronée qu’un haut potentiel intellectuel suffirait à surmonter toutes les difficultés. Pourtant, le burn-out est un phénomène particulièrement fréquent chez les HPI, souvent lié à leur tendance à s’investir intensément dans tout ce qu’ils entreprennent.

Le perfectionnisme exacerbé, combiné à un besoin constant de sens et à une forte exigence envers eux-mêmes, peut rapidement les pousser à un épuisement mental et émotionnel. Ils ressentent fréquemment une pression implicite, issue de leur entourage ou auto-imposée, qui les conduit à travailler sans relâche, parfois jusqu’à l’épuisement.

Dans le cadre professionnel, cette dynamique est souvent amplifiée par un manque de reconnaissance ou un décalage entre leurs aspirations et leurs missions. Par exemple, des HPI se disent enfermés dans des tâches répétitives ou incomprises, ce qui engendre frustration et sentiment d’inutilité. Sans un environnement adapté, ces facteurs deviennent un terreau fertile pour le burn-out.

Il est donc essentiel de garder en tête que les HPI, malgré leur potentiel, ont besoin d’un environnement qui ménage leur intensité. En tant que manager ou enseignant, les encourager à se ressourcer et à préserver leur équilibre personnel est essentiel pour qu’ils puissent mobiliser pleinement leurs capacités sans risquer l’épuisement.

7. Les HPI sont toujours rationnels

Les HPI sont souvent perçus comme purement logiques et rationnels, basant leurs décisions uniquement sur des faits. Pourtant, cette vision simplifie à l’excès leur fonctionnement. S’ils excellent dans l’analyse et la réflexion logique, leur sensibilité et leur empathie jouent également un rôle majeur dans leurs choix et interactions.

Leur cerveau, selon des études en neurobiologie, mobilise des connexions renforcées entre les hémisphères gauche et droit, ce qui leur permet d’associer créativité et raisonnement analytique. Mais ce n’est pas tout : leur perception fine des émotions, qu’elles soient les leurs ou celles des autres, influence profondément leurs décisions. Parfois, cette sensibilité peut même primer sur la logique, notamment lorsque des préoccupations éthiques entrent en jeu.

Albert Einstein, par exemple, parlait de l’importance de son intuition dans ses théories, tout en étant profondément préoccupé par les conséquences humaines de ses découvertes. Ce mélange unique entre réflexion analytique et conscience éthique reflète bien l’intelligence globale des HPI.

Cette dualité, loin d’être un paradoxe, élargit leur perspective dans la résolution de problémes. Leur sensibilité ne les rend pas moins rationnels, mais au contraire, leur permet de prendre en compte des dimensions humaines souvent négligées. C’est cette alliance unique entre réflexion logique et sensibilité émotionnelle qui les distingue et leur permet d’exceller dans des situations où d’autres se limiteraient à une approche purement analytique.

Conclusion

Les mythes autour des HPI simplifient à l’excès une réalité bien plus complexe. Chaque individu à haut potentiel intellectuel est unique, avec des capacités qui lui sont propres. Ce potentiel, comme son nom l’indique, n’est pas toujours exploité ou visible. Il dépend souvent de nombreux facteurs : environnement, éducation, soutien, ou encore opportunités.

En déconstruisant ces idées reçues, nous avons vu que la nuance est essentielle pour mieux comprendre les HPI. Plutôt que de les enfermer dans des clichés, il est important de reconnaître cette diversité et de garder en tête que le potentiel reste une notion dynamique, qui peut se développer ou se limiter selon les contextes.

Ainsi, la clé pour appréhender les HPI réside dans une approche nuancée, loin des généralisations. En comprenant mieux ces particularités, nous pouvons apprendre à voir au-delà des stéréotypes et valoriser ce qui rend chaque HPI unique.

Publié par David Atypikoo

Suite à un test WAIS-IV en 2019, j'ai décidé de créer le réseau social Atypikoo pour contribuer à l'épanouissement des personnes (neuro)atypiques et leur permettre de faire des rencontres amicales et amoureuses. Passionné par la psychologie, le biohacking et la santé mentale, j'ai à cœur de transmettre mes connaissances afin d'aider les personnes qui partagent un fonctionnement singulier.
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13 commentaires sur HPI : 7 stéréotypes à déconstruire absolument